Business Management Africa - Novembre - Décembre 2016 Edition de Septembre 21016 | Page 34

Cahier thématique

Grand angle
Comment peut-on expliquer que le coût du billet d’ avion entre deux capitales africaines( Yaoundé et Dakar par exemple) soit parfois plus cher – proportionnellement à la distance – que le prix du voyage entre une capitale africaine et Paris?
La taille et la structure du marché ainsi que l’ approche du régulateur, c’ est-à-dire les différents gouvernements, peuvent justifier cela. Si il y a 10 à 15 voyageurs par jour entre deux points, ce qui fait un potentiel de 5’ 000 passagers par an et de l’ autre côté il y a par exemple Paris – New York qui représente 1’ 500’ 000 de passagers, plus que la totalité du trafic du Cameroun, vous voyez bien que cela affecte le prix considérablement.
Est-ce rentable de pratiquer le transport intra-africain avec des avions gros porteurs?
Ce n’ est pas la destination qui justifie ou qui impose la taille de l’ avion mais la taille du marché et les fréquences à proposer. La taille actuelle d’ une bonne partie du marché intra-africain ainsi que le fait que les voyageurs d’ aujourd’ hui nécessitent plus de fréquences, fait en sorte que les avions de moyenne et petite tailles sont plus indiqués. Mais sur certaines relations, comme par exemple entre Douala et Addis Abeba, ou entre Lagos et Johannesburg, ce sont des gros porteurs qui sont plus indiqués et d’ ailleurs utilisés sur ces lignes.
Au Cameroun, les MA60 acquis par Camairco pour la desserte des destinations domestiques et régionales ont suscité beaucoup de polémique. Le cœur du débat est-il politique ou économique?
La polémique sur les MA60- et je crois que c’ est moi qui l’ ai levé à l’ Assemblée Nationale en ma qualité de député avec ma demande d’ enquête parlementaire- ne venait pas du pays du constructeur, mais plutôt des rétro-commissions avérées qui entourent cet achat. En termes opérationnels, les MA60 peuvent être indiqués pour une compagnie et pas du tout pour une autre. J’ avais indiqué que ces avions n’ avaient rien à faire à la Camair-Co, pour son propre intérêt. Quand vous voyez aujourd’ hui l’ apport de ces avions dans son exploitation ainsi que le taux d’ utilisation et surtout sa contribution au « bottom line », vous voyez bien que j’ avais raison. Le « dispatch reliability », indicateur du ratio des vols partant et arrivant à l’ heure, les destinations couvertes par la compagnie et les fréquences de celles-ci, ainsi que le résultat financier, ne se sont pas améliorés. Beaucoup de ces points se sont plutôt dégradés. Au-delà de tout ceci, les MA60 ne sont pas indiqués pour une compagnie qui se veut moderne, efficace et sûre. Utiliser des
MA60 tire toute votre flotte vers le bas et même vers le fond avec tout ce que cela implique en termes de vente et de positionnement.
Globalement, de nombreuses compagnies africaines semblent avoir un problème avec leur business plan. Quel est le problème de fond?
Quand un business plan est développé pour mettre sur pied une compagnie pour le prestige du Président de la République ou alors pour satisfaire un égo ou un chauvinisme surdimensionné, vous n’ aurez que le résultat que ce genre de plan peut vous procurer. Quand un pays a le courage de prendre les décisions qui s’ imposent pour le développement d’ une compagnie, les business plans n’ ont aucun problème et les résultats sont visibles. Je reprends ici l’ exemple de la petite compagnie Rwand’ Air qui a commencé comme RwandAir Express avec un avion Bombardier Dash 8 de 37 places et par la suite un jet de 50 places. Aujourd’ hui, Rwand’ Air a une flotte de 08 avions- avec deux gros porteurs de plus qui arrivent- et un réseau de plus de 20 destinations.
Ecair au Congo, Camair-Co au Cameroun et Air Ivoire viennent toutes les trois de bénéficier des plans de relance, avec toujours l’ Etat en arrière-plan. En imaginant que vous ayez vu ces stratégies validées par les différents Etats, quelles appréciations pouvez-vous faire?
J’ ai du mal à comprendre le modèle d’ Ecair parce qu’ il est à très court terme. Je n’ arrive pas à comprendre comment le modèle d’ Air Ivoire ne marche pas. En ce qui concerne Camair-Co, nous sommes dans un modèle perdant. Un mauvais scénario ne peut jamais faire un bon film, même si vous avez les meilleurs acteurs et le plus grand budget. Le problème de Camair-Co c’ est qu’ il n’ y a personne pour dire au Président de la République que son bébé ne peut pas marcher tel qu’ il est conçu. Et c’ est malheureusement le contribuable qui paie le prix. Les plans de relance ne servent à rien, sauf à faire gagner de l’ argent à des consultants quand les fondements sont bafoués. C’ est comme ci on essayait de refaire la peinture d’ un immeuble parce que la fondation ne tient pas.
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