BCarlington News Magazine 5 | Page 66

– Je serais au bar quand tu viendras nous annoncer la bonne nouvelle.

Le sculpteur le salua d’un geste de la main et sortit.

Le maître du Lagon but son verre d’un trait et soupira lourdement. Il songea à Ashim. Ce gosse était une énigme à lui tout seul et c’était bien ce qui l’attirait chez lui. Il avait beau connaître tout de son passé, connaître ses motivations, sentir la haine et le désir qui l’animait à chaque fois qu’ils étaient en présence l’un de l’autre, rien n’expliquait pourquoi il n’avait encore rien fait. Peut-être se sentait-il bien ici, peut-être avait-il trouvé la famille qu’il n’avait jamais eue. Il soupira encore. Peut-être que Marco n’avait pas tort, il devrait peut-être songer à se ranger mais qui protégerait les gens du Lagon ?

Ashim réfléchit un instant. À quel genre de talent pouvait-il bien faire allusion ? Devinant sûrement la perplexité chez le jeune homme, Lee l’éclaira.

– Connais-tu un instrument ou sais-tu chanter ou encore autre chose qui pourrait divertir les clients ?

– Eh bien… Ma mère m’a appris la harpe...

– Parfait.

Lee griffonna l’information sur le papier puis lui donna le contrat.

– Lis-le et si tu es d’accord avec les termes, douche-toi et enfile ce kimono avant de descendre au restaurant.

– Très bien.

*

Le soir venu, l’inspecteur Cordan attendait un vieil ami au Café « Le Temps des Cerises », un des rares bâtiments de la capitale qui avait échappé aux bombardements lors de la dernière guerre, dans le secteur 1, territoire de la Guilde de la Sécurité Intérieure et Extérieure. Il profitait d’une bière fraîche en terrasse, la chaleur de la journée s’estompant doucement.

– Salut Max', s’écria un homme bedonnant, aux tempes grisonnantes, de l’autre côté de la rue.

L’inspecteur sourit. Son ami, Quentin Dupuis, était toujours aussi enthousiaste malgré le poids de l’âge et des responsabilités. Devenu, depuis quelques années déjà, fonctionnaire de niveau 8 de la Guilde de la Sécurité Intérieure et Extérieure, son travail consistait à gérer, pour l’ensemble du territoire français, le déploiement des ressources policières et de sécurité privée. Le matériel militaire ne le concernait pas, mais son accréditation, de niveau 8 sur un total de 10, lui permettait l’accès à ce genre d’informations.

– Salut Quentin, répondit l’inspecteur, une fois son ami du bon côté de la rue.

L’homme s’installa et commanda rapidement un demi de bière à un serveur qui passait non loin puis tourna son visage jovial vers son ami.

– Comment ça va, depuis le temps ? Toujours dans ton commissariat du 12e ?

Cordan acquiesça d’un mouvement de tête.

– Toujours !

– Ils t’ont pas fait une fleur en te collant dans le Lagon, ces cons.

L’inspecteur sourit et but une gorgée de bière.

– Je ne sais pas mais en tout cas je ne peux pas dire que je m’ennuie.

– Tu m’étonnes ! Rit de bon cœur Quentin. Avec un zouave comme le petit Lysandro, tu dois t’arracher les cheveux.

Quentin Dupuis connaissait bien Lysandro de Trincavel. Il avait été son instructeur quand celui-ci s’était engagé dans les Forces Spéciales de Défense du Territoire. Le garçon, alors en complète rébellion contre son truand de père, avait franchi les échelons de la brigade contre le cybercrime avec une facilité déconcertante et une insolence qui frisait l’insubordination. Le commandant Dupuis s’était entiché de cette forte tête et avait été le premier déçu quand, après son accident, le jeune homme avait décidé de démissionner et de prendre la suite de son père. Il n’avait jamais su pourquoi le jeune homme avait tourné le dos à la Guilde et il espérait bien en connaître les tenants et les aboutissants avant sa mort.

– C’est sûr, je vais de surprise en surprise avec lui. D’ailleurs…

– C’est à cause de lui que tu m’as appelé ! Sourit l’ancien commandant. Qu’est-ce qu’il t’a encore fait comme misère ? Raconte.

L’inspecteur but plusieurs gorgées de bière avant de se pencher vers son ancien collègue.

– Tu as entendu parlé de la disparition d’un androïde de combat type PQ853 ? Souffla Cordan, conscient que cette information équivalait à une bombe à fusion froide sur le plan diplomatique.

L’ex-commandant perdit toute trace de cordialité. Son visage se ferma. Il planta franchement son regard dans celui de son ami.

– Comment sais-tu cela ?

– On l’a retrouvé détruit à la prison de la Santé.