BCarlington News Magazine 5 | Page 62

Un sourire étira un coin de la bouche du rouquin.

– Tu parles ! Mais ça va changer. Les mines, ça te forge un homme !

Il lui colla une bonne tape sur l’épaule et se détourna du spectacle mortifère qui défilait de l’autre côté de la vitre.

On roula un moment, traversant les restes de ce qui fut trente ans auparavant la belle cité de Medine, ne s’arrêtant que lorsqu’ils les eurent laissées loin derrière eux.

Devant eux, de hautes grilles entouraient un complexe industriel flambant neuf. Deux hommes en uniforme montaient la garde et l’un d’eux tendit un scanner vers la nuque de Franz, qui conduisait, puis lui demanda ses autorisations. Semblant tout en ordre, les militaires, ou peut-être miliciens, les laissèrent passer. Ils passèrent devant plusieurs baraquements mais l’ensemble, plutôt grand, semblait bien vide à Lorenzo.

Franz arrêta le van devant un de ces baraquements et éteignit le moteur.

– C’est là qu’on va vivre durant les trois prochaines semaines. Installez-vous, reposez-vous. Demain, on attaque le boulot.

Quand tout le monde fut sorti à l’air libre, Lorenzo prit son bagage et descendit du van à son tour. L’air du soir avait une odeur piquante qui le mit mal à l’aise.

– Mets un masque mon gars, lui dit Dan, en lui collant un masque filtrant dans les mains.

Le jeune homme regarda l’objet puis leva les yeux vers le rouquin qui n’en portait pas.

– Pourquoi ?

– On est tous plus ou moins robotisé, gamin. Le sulfure d’hydrogène dégagé par les mines nous gène pas mais toi, ça va te tuer.

Lorenzo ne se fit pas prier et enfila le masque filtrant sur son visage. L’odeur était toujours désagréable, mais il respirait mieux.

– Merci.

Les yeux de l’homme s’agrandirent puis il éclata d’un rire franc.

– Viens gamin, on va prendre nos quartiers, dit Dan, une main sur son épaule, une fois que son rire fut calmé.

*

La journée était belle et ensoleillée. Les rues du centre-ville de Neo-Paris grouillaient de monde en ce samedi après-midi, des jeunes gens venus faire du shopping aux plus vieux profitant simplement des températures clémentes et du soleil qui caressait doucement leurs peaux parcheminées.

Vêtu d’un simple top kaki et d’un baggy qui tombait sur ses hanches, Akira gouttait aux joies du shopping illimité. Accompagné d’Ashim que Lysandro lui avait demandé d’emmener et d’habiller à ses frais, ils butinaient ensemble, de magasins en magasins, sous la surveillance constante des deux meilleurs gardes du corps du patron. Cela avait fait sourire Akira de voir Anissa et Ank' les suivre, à quelques mètres de distance, dès qu’ils eurent franchi le seuil de l’Orchidée. Lysandro devait vraiment être dingue d’Ashim pour leur coller au train ses meilleurs hommes et il espérait vivement que la lueur de vengeance qu’il avait vu briller dans les yeux du jeune Copte finirait par s’éteindre pour n’y laisser que la douceur d’un regard aimant. Malgré tout, Lysandro méritait d’avoir quelqu’un à ses côtés.

Finalement, au bout de trois heures à faire courir Ashim, Ank' et Anissa, il s’arrêta à un café où il s’installa, invitant joyeusement les deux hommes de main à venir les rejoindre.

– Je ne comprends pas pourquoi c’est moi qui t’accompagne. Je déteste le shopping ! Emilia aurait fait l’affaire, marmonna rageusement Ashim alors que le serveur déposait devant lui le coca qu’il avait commandé.

Théâtral, Akira posa une main sur son cœur.

– Moi qui pensais t’être d’une compagnie agréable… Tu me brises le cœur.

Ashim grimaça devant autant de mauvaise foi, tant les yeux noirs pétillaient derrière les verres solaires que l’Asiatique portait. Anissa eut un rictus à peine visible, elle appréciait l’exubérance d’Akira et Ank' éclata de rire. Celui-ci avait beau être au service de Lysandro, il n’avait cependant pas réprimé sa personnalité presque aussi enthousiaste que celle d’Akira.

– Gaël ! le réprimanda sa camarade.

Ashim se tourna vers Anissa puis vers le blond.

– Gaël ? Je croyais que tu t’appelais…

Le garde du corps ne le laissa pas finir.

– Ank' est le diminutif d’Ankou, un surnom qui me vient du tatouage que j’ai dans le dos. Le boss aime bien donc tout le monde m’appelle Ank'… sauf Anissa.

Celle-ci eut un petit grognement et détourna les yeux sous le regard bien trop intime de son compagnon, alors que l’intérêt et une pointe de crainte s’allumèrent dans les orbes noirs du jeune Copte.