Chapitre 7
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Deux jours plus tard, l’inspecteur Cordan recevait un téléphone portable flambant neuf, accompagné d’un petit dossier. Sans un mot, sans aucune adresse de retour. Le dossier comprenait la fiche d’identification de madame Corciano, Marie Chavers, ainsi qu’une note lui confirmant qu’il n’y avait jamais eu de Marie Chavers d’enregistrer à la Guilde de l’Industrie et de la Technologie.
L’autre papier était la fiche signalétique de l’androïde PQ853, prototype militaire d’androïde de combat, toujours à l’étude dans les locaux de la Guilde de la Sécurité Intérieure et Extérieure, conjointement avec la Guilde de l’Industrie et de la Technologie et celle de la Recherche et de la Santé. Un gros projet sur lequel se fondaient les espoirs de l’armée, de l’industrie de la prothèse et les professionnels de santé. Ce prototype, à terme, devait à la fois être le nouvel androïde de combat et ses membres, des nouvelles prothèses ultra-compatibles et plus performantes pour les invalides. L’innovation de ce prototype était le cristal d’adamantane, jusque-là utilisé comme base de stockage d’information, qui, couplait avec une I.A., donnait des possibilités inatteignables jusque-là. L’adamantane devenait le centre nerveux du corps artificiel, rendant l’androïde proche de la perfection humaine. La note qui l’accompagnait signalait qu’il était, bien évidemment, complètement introuvable sur le marché actuel, ni même au marché noir.
Bien qu’il aurait voulu éviter de s’approcher de trop près du bâtiment centrale de la Sécurité Intérieure et Extérieure, l’inspecteur allait bel et bien devoir y mener son enquête. La disparition d’un tel engin devait avoir fait des remous dans les couloirs du bâtiment de la Guilde. Néanmoins, avant d’en arriver à enfoncer des portes blindées fermées par des mécanismes inviolables, il avait encore deux ou trois amis qui y travaillaient. Une invitation à boire un coup avec un ancien collègue n’avait jamais tué personne, ou presque, et il aurait une vague idée de ce qui pouvait se tramait chez ses supérieurs.
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Si Neo-Paris était la splendeur de l’Europe, Avaris avait le charme fou des villes orientales du Moyen-Âge. Construite près de trente ans plus tôt sur les ruines de l’Egypte, elle était sortie de terre grâce à la découverte des mines d’adamantane dans le désert arabique et dans la péninsule irakienne. Les consortiums industriels s’en étaient emparées et avait fait construire une ville au bord des zones irradiées durant la dernière guerre. On soupçonnait le cristal d’être à l’origine un minerai qui avait réagi aux fortes doses de radiations que ces zones avaient subies.
Avaris était donc le point de départ de toutes les expéditions pour extraire l’adamantane dans le désert arabique. Tous les fous désireux de gagner une fortune s’y réunissaient et attendaient les dangereuses expéditions dans l’espoir d’en être.
A 21 ans, Lorenzo découvrait cette ville pour la première fois. Il avait été embauché pour cette folle expédition dans les quartiers délabrés de Rome l’ancienne. Il n’avait pas particulièrement envie d’être irradié, mais son père était mort quelque temps auparavant et sa mère avait beaucoup de difficultés à subvenir aux besoins de ses trois derniers enfants. L’argent manquait et, étant l’aîné de la fratrie, Lorenzo considérait comme de son devoir d’aider sa famille. Sa mère avait bien tenté de le dissuader, mais il avait tenu bon. C’était un boulot de trois semaines et il en retirerait de quoi les faire vivre pendant au mois un an !
L’aéroport d’Avaris était vaste et, après avoir récupéré ses bagages, chercha pendant un moment le représentant de la boîte qui l’avait engagé. Un groupe d’hommes attendait déjà. Ils le regardèrent, dubitatifs, s’approchait d’eux.
– Depuis quand on emmène des gosses ? Demanda un type massif, à la figure marquée par des heures de travail en plein soleil.
– Va savoir ? Répondit un autre, plus petit mais certainement plus âgé si on se fiait aux tempes grisonnantes.
– Je suis Lee Chang, le gérant de l’Orchidée.
– Ashim Fayez.
– Je sais. J’ai besoin de quelques renseignements afin de pouvoir terminer de rédiger ce contrat.
– D’accord.
Le jeune homme fronça légèrement les sourcils. Il n’avait pas revu le maître du Lagon depuis qu’il était arrivé et ils n’avaient donc pas pu décider de la place qui lui serait assignée.
– Y a-t-il quelque chose de particulier que tu saches faire ?
Ashim réfléchit un instant. À quel genre de talent pouvait-il bien faire allusion ? Devinant sûrement la perplexité chez le jeune homme, Lee l’éclaira.
– Connais-tu un instrument ou sais-tu chanter ou encore autre chose qui pourrait divertir les clients ?
– Eh bien… Ma mère m’a appris la harpe...
– Parfait.
Lee griffonna l’information sur le papier puis lui donna le contrat.
– Lis-le et si tu es d’accord avec les termes, douche-toi et enfile ce kimono avant de descendre au restaurant.
– Très bien.