BCarlington News Magazine 4 | Page 62

Le policier soupira lourdement.

– Franchement ? Vous vous imaginez dans un film d’espionnage ?

Lysandro sourit.

– Cordan… Nous sommes dans un film d’espionnage. Je suis un élément gênant dans leur petite ville parfaite. Et je suis plus intelligent que tous les types de la Sécurité Intérieure réunie. Ils doivent préparer cela depuis un moment. Je me demande juste ce qui a déclenché les hostilités… Pour la suite, ne revenez plus ici. Évitons les contacts. J’aimerai éviter de vous entraîner dans ma chute, si chute il y avait au final.

– Bien. Monsieur de Trincavel, ravi d’avoir discuté avec vous.

Cordan prit congés. Tout en sortant de l’établissement il remarqua plusieurs personnalités de la vie parisienne aux tables du restaurant. L’héritier de Peter de Trincavel était bel et bien d’une autre trempe que son père. Contrairement à cette brute épaisse, le fils savait aussi bien manier la violence que la diplomatie. Il n’y avait pas à douter un seul instant, qu’effectivement, Lysandro de Trincavel était très intelligent et qu’il savait s’en servir.

*

La soirée s’enchaîna rapidement et Lysandro se trouva bien vite au bar attenant au restaurant en compagnie David de Montmort et de son ami, Louis Farmand, oubliant pour l’heure le cadavre de Fred Corciano. Quelques jeunes hôtes, féminines pour la plus part leur tenaient compagnie.

Sur scène, Anna enchantait les spectateurs avec sa voix claire. David n’avait d’yeux que pour elle et s’était totalement désintéressé de la conversation. Les yeux gris de Lysandro pétillaient devant la lueur amoureuse qu’il lisait dans les grands yeux bleus du designer. Quand Mlle Schröder eut fini, il l’invita à leur table et il se délecta de la gêne de son ami.

Ce fut autour d’Emilia et d’Ashim de monter sur scène. Les premières notes claires attirèrent tous les regards vers la scène. Devant la beauté de son nouvel employé, Lysandro eut du mal à avaler la gorgée de vodka qu’il venait de boire. Même s’il n’était pas aveugle et qu’il avait évidemment remarqué la beauté du jeune Ashim, Lysandro ne s’attendait pas à ce charisme électrisant qu’il dégageait.

David se pencha vers lui et lui murmura :

– C’est moi qui rêve ou il porte le kimono du…

Lysandro le coupa.

– Non, tu ne rêves pas.

Si la plupart des hôtes ignoraient la signification des couleurs des kimonos hormis le leur, les clients, eux, avaient plutôt intérêt de les connaître sur le bout des doigts. Il y avait les trois couleurs différentes usuelles : le vert et argent, réservé aux clients qui préféraient la compagnie d’un hôte du même sexe, le bleu et blanc pour ceux qui préféraient un hôte du sexe opposé et le rouge et or pour les employés ne prenant pas de client, ceux en contrat exclusif le portaient aussi.

Et il y en avait un quatrième, unique : le pourpre et noir. De mémoire de client, aucun hôte n’avait eu le privilège de le porter jusque-là. Si un seul client avait le malheur de ne serait-ce que d’essayer de toucher celui qui le portait, Lysandro le tuerait.

C’était ses couleurs, celle du favori du patron.

– Eh bien, tu t’es fait plaisir.

Un sourire satisfait étira les lèvres de Lysandro. À la fin du morceau, il appela Lee et lui demanda d’aller chercher le bel éphèbe avec lequel il revint quelques instants plus tard.

Ashim s’inclina.

– Monsieur ?

Celui-ci lui fit signe de s’approcher et quand il fut assez proche, lui chuchota à voix basse.

– Tu t’assois au sol entre mes jambes et tu n’en bouges plus.

Ashim fut quelque peu surpris de la requête mais s’exécuta, sous les yeux étonnés et envieux des autres hôtes.