Chapitre 1
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Neo-Paris, 2061
Portant tranquillement une cigarette à ses lèvres, Lysandro balayait la salle de son regard pénétrant. Il était rentré quelques heures plus tôt d’un important voyage d’affaires à Avaris et il s’était octroyé une petite pause bien méritée au restaurant de son bordel le plus huppé : L’Orchidée.
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L’Orchidée…
Un bordel de luxe au cœur même d’un building flambant neuf auquel Lysandro apportait beaucoup d’attentions. Un choix hétéroclite de jeunes femmes et de jeunes hommes à la beauté parfois douce, parfois ravageuse mais jamais vulgaire. Un décor digne des plus belles estampes japonaises où les beautés que la « Mòrta » choisissait lui-même étaient dorlotées, choyées, pour offrir aux clients qui avaient les moyens, une prestation de qualité. Un restaurant où les saveurs du monde entier avaient leur place sur la carte, tandis que ses filles ou ses gars — une vingtaine de jeunes gens environ — assuraient le spectacle, soit au service, soit sur la petite scène au fond de la salle.
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À moitié affalé sur un canapé dans un coin relativement sombre du bar qui jouxtait le restaurant, le jeune homme, vêtu de son éternelle chemise noire à moitié déboutonnée et d’un jean très ajusté de la même couleur, se détendait en écoutant la mélodie mélancolique d’un violon.
Il était tard, il pouvait entendre le brouhaha qui régnait dans le restaurant. Lysandro grimaça. Il n’aimait pas ce beau monde qui se bousculait pour manger dans son établissement, tous ses hypocrites, tous si bien pensant la journée et qui venaient se repaître de vices la nuit, lui donnait envie de vomir. Il aimait sa vie mais que cette partie-là pouvait l’ennuyer. Il ferma les yeux en inspirant profondément une bouffée de nicotine.
Son restaurant marchait très bien, le bar qui y était rattaché aussi et le bordel ne désemplissait pas de la nuit. Ses « pouliches » pouvaient être réservées des mois à l’avance et il venait même de conclure un important contrat sur un trafic d’adamantane, terrain où il n’avait pas encore la main mise. Il avait fini par s’entendre avec le Professeur Gravin, savant complètement fou mais génial dès qu’il s’agissait de cristalotechnologie.
Lysandro fournissait le cristal, montant du coup plusieurs entreprises dans le Sahara, et ce fêlé fournissait le produit fini, des cristaux d’identification ou des bases dont la nanotechnologie était friande, que Lysandro s’empresserait de vendre à la Guilde scientifique ou à celle de la Sécurité Intérieure. De plus, il allait se faire une réputation de bon samaritain dans les pays pauvres qui bordaient le désert.