Atypeek Mag N°1 Atypeek Mag N°1 - Octobre - Novembre - Décembre | Page 49

ALBUMS Date de sortie : 27/05/2016 Durée : 64 min Nationalité : CA Styles : Clubbing Remix PEACHES Date de sortie : 23/09/2016 Durée : 46 min Nationalité : FR Styles : KRAUT / DRONE MATH ROCK Electric Electric Date de sortie : 31/10/2016 Durée : 9 min Nationalité : FR Styles : Indé ELECTRO / IMPRO EMBOE RUB Remix-Single (I U She Music) III (Murailles Music, Kythibong) Aléa Part 1 EP ( ATYPEEK MUSIC) Rub qui passe au lustre du remix : l’entreprise ellemême est un jeu de mots complètement Peaches. On saura que sa générosité artistique va jusqu’au partage enthousiaste de sa matière musicale. Sorti une année auparavant, son dernier album se voit déjà refondu courant 2016. Peaches à l’initiative, productrices et artistes estimées aux manœuvres. Rub laisse donc découvrir sa toute nouvelle peau habillée par Maya Jane Coles, Maya Postepski, Paula Temple, Planningtorock, Simonne Jones… La dimension exclusivement féminine du crew est, selon Peaches elle-même, un résultat non calculé, celle-ci ayant réalisé ses demandes en fonction de coups de cœur. Les battements du dernier semblent audibles tout au long du brand new Rub drapé dans un ensemble de wild waves. La voix de la boss est samplée, calée sur des versions accélérées des beats originaux mais rarement modifiée. Le flow est décalé, les espaces entre les phrasés modifiés, mais là encore, la boss peut dormir sur les deux côtés de sa crête, les copines ne lui ont pas ratiboisé sa tignasse sauvage pendant son sommeil. En revanche, en background de la tracklist, l’empreinte hip-hop se déplace vers les champs flottants de l’indie electronic, la signature synthpop vers la house et le travail de songsinger vers celui de DJ. Chacune des collaboratrices apporte sa culture du clubbing dansant, suant et éreintant comme pour sortir le old Rub de ses velléités initiales de downtempo. Même si la cadence de base sied à ravir aux orchestrations originales, la clubbing impulsion possède un charisme festif qui permet de redécouvrir le potentiel de l’opus de départ. Il séduisait par la sinuosité des riffs, il captive maintenant par ces cycles rythmés. L’artwork de la pochette se décale aussi, passant d’une photo cocasse de la chanteuse en plein démembrement de sa propre tête à une photo...disons...encore plus Peaches que Peaches. À l’instar du visuel, l’album remixé décontenance sans surprendre car il conserve ce bon goût de mauvais goût dont l’excitée à la cime blonde détient le secret. Ça démarre fort avec dix minutes d’un orage math rock industriel minimaliste nommé « Obs7 ». Les synthés analogiques te filent les jetons, la rythmique te met en transe. « C’est pas fini, Jean-Guy », lances-tu à ton ami lorsque tu le vois commencer à transpirer des yeux. Peut-être pensait-il se reposer un peu sur « Black Corée », moins agressif que la tempête qui vient juste de s’apaiser. Mais à présent on nage en pleine cold wave, avec les accompagnements synthétiques, la voix lointaine et monotone d’Éric Bentz. C’est totalement hypnotique, et moyennement joyeux. « Pas trop déprimé, René ? ». Il fait non de la tête, le regard perdu dans le vague. Tant mieux, parce que « Klimov », après un démarrage façon machine à laver en mode essorage, c’est à peu près le même topo, en beaucoup plus indus’. « Toujours en vie, Thierry ? ». C’est qu’il va lui falloir encore un peu d’endurance pour survivre aux sirènes d’alarme de « Dassault », presque psalmodiées sur les percussions polyrythmiques de « Les bêtes », ou à la grande orgie finale du frénétique « 17°00 ». « Une bière, Albert ? », lui fais-tu après que la dernière note ait fini de résonner et que le bras de lecture quitte le trente-trois tours pour revenir sur son perchoir. Il acquiesce lentement et expire un bon coup. Là, tu sais que ton ami t’aime et te déteste à la fois. Il t’aime parce qu’on n’entend pas tous les jours un album de cette trempe-là. Et il te déteste car il sait déjà qu’il ne pourra faire autrement ces prochains temps que de retourner vers cette chose envoûtante. Tu lui proposes une clope, il l’accepte, lui qui avait juré de ne plus y toucher. III, c’est un mélange de Battles époque Mirrored et de Future Days de Can, joués à la scie circulaire par des musiciens souffrant d’une épouvantable rage de dents. Un disque radical, violent, étouffant. Superbement interprété et produit. Une claque bienfaisante, une secousse tellurique salutaire qui te prend par les épaules, et te hurle droit dans les yeux : « Hé, mec, réveille-toi ! T’es vivant ! ». ✎ Jean-Philippe Haas www.chromatique.net Là où la plupart des gens se contentent de faire la même chose, encore et encore, Emmanuel Bœuf réinvente sans cesse la musique qu’il joue. Pourtant, des Sons Of Frida à Dernière Transmission en passant par A Shape, on aurait pu penser qu’il avait épuisé l’étendue de ses possibilités. Erreur : avec ce nouvel ensemble de EPs, Aléa, Emboe découvre de nouvelles ressources, abandonnant la guitare (son instrument fétiche) au profit de l’électronique, agissant en pure spontanéité, laissant les choses se faire et le faire, mobilisant inconsciemment toutes ses influences (et elles sont vastes, de Sonic Youth à Rihanna) pour produire un son qui ne ressemble à rien de ce qu’on connaissait de lui, mais surtout à rien de ce qu’on connaissait - tout simplement. Sombres, sexy, intimistes, bouillants, bruyants, les aléas d’Emboe doivent tout au hasard parce qu’ils ne doivent rien au hasard. Ce sont des événements, des accidents provoqués, qui ne viennent pas de nulle part, mais de l’imagination d’un musicien qui a oublié depuis longtemps qu’on devait se tenir bien tranquille dans une case. Là où la plupart des gens se contentent de refaire la même chose, encore et encore, Emmanuel Bœuf se réinvente sans cesse. C’est à cela, sans doute, qu’on reconnaît un artiste. ✎ Jonathan Allirand EMBOE ©DR ✎ Jérôme Orsoni I ATYPEEK MAG #01 OCT./NOV./DEC. 2016 49