Atypeek Mag N°1 Atypeek Mag N°1 - Octobre - Novembre - Décembre | Page 48
Date de sortie :
27/09/2016
Durée : 41 min
Nationalité : JP
Styles : downtempo
electronic
expérimental
Date de sortie :
25/09/2015
Durée : 41 min
Nationalité :
CA
Styles : ElectroClash
IOKOI
PEACHES
Liquefy (-ous / Kudos Records)
RUB (I U She Music)
Pris dans un monde de science-fiction, notre société
fait de moins en moins la différence en cyberréalité
et quotidien envahi par la technologie. Avec son
premier album, Liquefy, la suisso-italienne IOKOI
construit un univers synthétique sur lequel plane
la chaleur de sa voix, lien avec nos êtres de chair
et de sang et de machines martiales.
Grande habituée de l’« explicit content », encline à
dépasser le stade de l’allusion (“Dick in the Air”),
no surprise si le dernier album de Peaches s’intitule
Rub : frotter. Show sexy, visuel ultra provoc, lyrics
trash… et pourtant, si on se laisse porter par la
densité de son electroclash grisant et tactile, la
musicalité de l’ensemble indique qu’il s’agit moins
d’un matraquage sexuel de seconde zone qu’un
superbe hommage à la sensualité. Cette sensualité
présente dans chaque individu, indépendamment
de toute conception de genre. Dans Rub comme
dans toute sa discographie, Peaches questionne
les notions de masculin/féminin en recherchant ce
qui constitue leur ancrage commun. Les genres s’y
apparentent à deux corps en quête de correspondances aboutissant à une naturelle fusion. Dans ce
contexte, l’étourdissant riff Vaginoplasty ne fait pas
seulement référence à une opération chirurgicale
mais représente précisément un pont symbolique
entre les genres. De la rencontre naît la friction et
du frottement jaillit donc une force vitale qui inonde
Rub de tracks aussi exubérantes que les coiffures de
leur porte-voix barrée : “Sick in the Head”, “Dumb
Fuck”. Mais Peaches est une barbare qui sait faire
dans la dentelle et travaille aussi bien son sens
de la bagarre à coups de boîte à rythmes que son
sens du frisson brûlant. En témoignent des ballades
comme “How You Like My Cut” dont la haute teneur
en “fuck” n’enlève rien à l’ambiance feutrée. “Free
Drink Ticket” fait preuve de la même retenu et
calme les vrombissements de basses saturées pour
laisser plus de place au flow. Bien sûr, Peaches ne
s’enferme pas non plus dans une prison de discrétion. Elle n’hésite pas à le faire entendre sur la track
éponyme “Rub” où ses variations vocales sensibles
rappellent sa période glam rock. Cet album permet
à Peaches de célébrer la sensualité au-delà des
genres mais aussi de la clamer au-delà de l’âge,
comme un droit naturel outrepassant le temps. “I
Mean Something”, qui défend cette position, aurait
pu être l’autre titre de l’opus.
Travaillant à composer et improviser des musiques
pour des films muets de science-fiction des années
20-30, IOKOI reste une énigme, de par le manque
d’informations la concernant, si ce n’est qu’elle a
composé pour Yohji Yamamoto et collaboré avec
le Swiss Institute of Incoherent Cinematography.
Entre trip-hop évanescent, réminiscences 80 et
R’n’B expérimental, Liquefy dresse des ponts
entre les courants, laissant couler des mélodies
en suspension, qui ne sont pas sans évoquer un
mélange de Moloko et FKA Twigs, comblant des vides
et recollant les morceaux de machines floutées,
œuvres de l’homme et de son désir de maîtriser
son environnement.
Cinématographique de par ses modulations aux allures de scripte, la musique de IOKOI glisse entre les
oreilles, ouvre des pistes pour en refermer d’autres,
demande d’être domptée pour en apprécier sa
richesse singulière, aux contours familiers et ses
partis pris presque pop, tout en gardant les distances. Entre froideur moite et déviance inquiétante,
Liquefy s’impose comme un album intriguant aux
intonations futuristes, profondément enracinées
dans notre époque. Envoûtant.
I
IOKOI ©DR
✎ Roland Torres www.silenceandsound.me
✎ Jonathan Allirand
48
ATYPEEK MAG #01
OCT./NOV./DEC. 2016
PEACHES ©DR
ALBUMS