ALBUMS
Date de sortie : 27 / 09 / 2016 Durée : 49 min Nationalité : US Styles : Hip-Hop / Rap
Gangsta / Abstract
DANNY BROWN ATROCITY EXHIBITION ( Warp Records )
On a toujours eu une affection particulière pour les rappeurs barjos , ces psychopathes du micro , doux dingues ou fous furieux , personnages incontrôlables dès lors qu ’ ils s ’ échappent de leur camisole , capables de susciter malaise et fascination . Un des premiers , proche de chez nous , que les plus anciens ont pu connaître était Benny B . Et oui . De l ’ autre côté de l ’ Atlantique , on pourrait citer Ol ’ Dirty Bastard ( paix à son âme ), Eminem , Cage ou bien même Lil Jon ; qui ne les a pas écoutés franchir les limites avec un certain plaisir ? C ’ est d ’ ailleurs en partie la situation dénoncée par Vince Staples dans son clip pour “ Senorita ”: celle d ’ un rapspectacle écouté bien au chaud et à l ’ abri , nourri par la souffrance et le mal-être souvent non feint de ses interprètes . Le genre de personnages fascinants campés par des acteurs incontournables comme Danny Brown . Qui joue à fond de ce caractère , il faut l ’ admettre . “ They don ’ t do it like this no more .”
Que l ’ attente fut longue avant d ’ entendre le successeur de Old . Cet opus nous avait permis de diagnostiquer trois ans plus tôt à quel point Danny pouvait paraître bipolaire et tordu , que ce soit dans ses textes ou ses choix d ’ instrumentaux , allant jusqu ’ à diviser son album en deux parties . Le rappeur de Detroit n ’ a jamais eu peur des excès , tant qu ’ ils lui permettent de rester en vie pour rapper des trucs de ouf . Cette fois avec Atrocity Exhibition , qui sort chez Warp et non plus Fool ’ s Gold , Brown pousse le bouchon un peu plus loin . Connaissant les tendances dépressives du bonhomme , le voir jouer avec sa santé mentale et ses addictions tel un funambule maladroit mais chanceux nous fait retenir notre souffle , particulièrement quand il commence à partir en vrille . Ou plutôt dans un toboggan . Celui de “ Downward Spiral ”, sur lequel on glisse lentement mais sûrement dans les tréfonds de sa folie qu ’ il expose au son d ’ un sample mystérieux .
Dans cette version contemporaine du terrier d ’ Alice , on tombe dans un obscur monde parallèle dans lequel les ghettos mal famés de Motor City sont un vaste asile psy transformé en fête foraine de l ’ instabilité mentale . Avec pilules , poudres et acides en libre service et stripclubs glauques à volonté . Danny Brown condense tout ce que Detroit , ville au riche passé musical , a de plus fascinant : cette décrépitude un peu glauque qui laisse place à un élan créatif en roue libre . Sa voix de
clown maléfique se marie parfaitement avec la samba infernale de “ Dance in the Water ” et la funk démoniaque de “ Ain ’ t It Funny ”. Quand il retrouve une voix plus posée sur “ From The Ground ” - avec un refrain un brin pop de Kelela qui apporte un peu de lumière - et “ Tell Me What I Don ’ t Know ”, on a l ’ impression qu ’ il change de personnalité d ’ une seconde à l ’ autre .
Dans ce train fantôme en vagabondage dans son esprit l ’ accompagne à la prod un étrange gus , un anglais répondant au nom de Paul White . Collaborateur de longue date de Brown , on a également pu l ’ apercevoir sur des projets Stones Throw ou Mello Music Group . Il est ici le Dr Frankenstein , jouant à fusionner et manipuler des samples tout à fait originaux , minimalistes et déments . Par exemple pour le single “ When It Rain ” dont l ’ ambiance ressemble à la B . O . d ’ un film d ’ horreur des seventies . Pas étonnant puisque Paul White y sample une instru datant de 1968 de la compositrice Delia Derbyshire , la grand-mère de l ’ électro …
Danny continue de faire occurrence de “ chatte ” et “ seins ” tout le temps . Mais le réduire à cela serait passer à côté de ses lyrics d ’ excentrique fumeur de dope , au point de qualifier son style de “ Pneumonia ”, avec les ad-libs de SchoolBoy Q se substituant à la quinte de toux . Danny Brown est allé chercher cette fois-ci dans un univers d ’ ordinaire peu familier des amateurs de rap pour densifier la substance de son album : le rock et le punk . Désormais chez Warp , un des seuls labels capables de trouver un créneau commercial pour des ovnis comme Gonjasufi , le MC de Detroit a certainement bénéficié de la liberté de ton à laquelle aspire tout artiste . Il a puisé chez Joy Division le titre de son LP . Puis il s ’ est offert une cure de jouvence en se baignant tout entier dans une essence de contre-culture punk . “ Imma die like a rockstar ”, disait-il déjà sur XXX . Plus que le son , c ’ est de nouveau l ’ attitude qui parle : souvent destroy , parfois hardcore , toujours là où on ne l ’ attend pas . Sexe , drogues et rock ’ n ’ roll . D ’ ailleurs , aucune piste de l ’ album ne sonne comme une redite .
Voilà un cas à rendre curieux n ’ importe quel psychiatre . Atrocity Exhibition est l ’ album de Danny Brown qui sonde le mieux les recoins les plus sombres de son esprit sévèrement rongé par les substances acides . Son univers ‘ holo-horrifique ’ - dans le sens où l ’ on perçoit les projections de son imagination macabre - se dévoile à nous et permet de comprendre comme jamais les pensées qui l ’ habitent , et parfois le hantent . Cet album ne serait pas si démonstratif et ( par ) anormal sans l ’ étroite collaboration de Paul White , qui joue un rôle significatif derrière la caméra . Bon nombre d ’ auditeurs finiront en PLS sur un plancher grinçant , obsédés par des flashs de débauche et de souvenirs refoulés . Mais en usager averti qu ’ il est , Danny Brown nous administre avec Atrocity Exhibition la juste dose de cette musique qui se révèle être terriblement addictive et forte , très forte .
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SCHOOLBOY Q
Blankface LP
Avançant visage masqué , réfugié derrière une théâtralisation millimétrée , l ’ ex-dealer de Long Beach fourgue toujours sa dose habituelle avec ce petit quelque chose de neuf . Ou comment , en 2016 , le gangsta rap peut encore accoucher d ’ une œuvre excitante et pertinente .
MICK JENKINS
THE HEALING COMPONENT
En invoquant aussi bien la spiritualité , le besoin de self esteem , que l ’ addiction et le manque , en comparant l ’ amour à une drogue douce , Mick Jenkins réussit une œuvre totale . Raison de plus pour écouter ce qu ’ il a à nous dire et appliquer son message , surtout par temps obscurs .
DAVE EAST
KAIRI CHANNEL
Dave East , dont on vous parle depuis pas mal de temps et qui fait désormais partie des freshmen sélectionnés par le magazine XXL en 2016 , vient de sortir un projet . Doué d ’ un indéniable sens de la rime , le emcee de East Harlem vient donc de balancer Kairi Channel qui mérite que vous y jetiez une oreille .
21 savage &
METRO BOOMIN
Savage mode
Réalisé par le prodige Metro Boomin , cet abum permet au rappeur transi de raconter avec impassibilité une existence marquée par la trap life d ’ ATL . Entre fusillades , parties de cartes et après-midi au cimetière . Glacial .
ISH DARR
Broken heart & Bankrolls
IshDARR a jeté tellement d ’ huile sur le feu avec Old Soul , Young Spirit début 2015 , qu ’ il a laissé tout le monde crépitant pour un deuxième projet . Le virage dark qu ’ il prend avec ce 2 e album lui va très bien . Mais il nous avait prévenus : âme de vieux , esprit juvénile . À nous d ’ embrasser sa contradiction .