Atypeek Mag N°1 Atypeek Mag N°1 - Octobre - Novembre - Décembre | Page 41

ALBUMS Date de sortie : 14/10/2016 Durée : 36 min Nationalité : CA Styles : punk rock electro Date de sortie : 29/02/2016 Durée : 53 min Nationalité : CH Styles : Avant Garde SPOOK Duchess Says Date de sortie : 08 /10/16 Durée : 27 min Nationalité : JP Styles : Ambient Drone Teruyuki Nobuchika Sciences Nouvelles (Bonsound) Blurred heads and scrambled eggs Still Air (OKTAF) Crachant ce que le post-rock doit au garage rock des années 70, tambourinant ce que les années 80 peuvent avoir de grungy et de dance, Duchess Says ne fait pas de jaloux et pioche dans tout ce qui peut étancher sa soif de raffut. Alors que la noble montréalaise essuie ses lèvres encore humides d’eau et de sueur, l’electro coule de nouveau à flot dans son dernier album Sciences Nouvelles. La version inquiétante d’une ambiance dancefloor eighties convient complètement aux titres Travailler et I Repeat Myself. De la même façon, le souffle chaud d’un riff agressif et menaçant sied à merveille à Negative Thoughts et à Pink Coffin qui virent dans le punk hardcore tendance métal industriel. Dans les deux cas, s’invitent les sinuosités glacées propres à la Cold Wave. La chanteuse-claviériste A-Claude conserve toujours un cri de guerre planqué derrière son apparente nonchalance. À l’occasion, les touches du clavier massacré se transforment en tomes improvisés victimes de sa soudaine crise de fureur. L’instabilité de ses lignes vocales, à la limite de l’onomatopée robotique, lui confère une spontanéité et une fraîcheur surprenante. Tiraillée entre Joan Jett et Catherine Ringer, elle tient le crachoir en anglais comme en français tout en venant grossir généreusement le club des gueulardes désinhibées du rock and roll. Décomplexée de la décibel, A-Claude aime à rugir de toute sa voix haut perchée qui joue l’harmonie pour mieux s’en détacher et lui préférer un fracas provocant digne des guitares tronçonnées de Wendy O. Williams. Sur l’échelle du tapage jubilatoire, le jeu guitare-batterie d’Ismaël et de Phil C n’est d’ailleurs pas si éloigné du heavy metal des Plasmatics. Il s’en écarte sur les parties dansantes où leurs atmosphères à la Siouxsie and The Banshees se heurtent aux orchestrations vintage de Madness. Le batteur Simon Says ne manque donc pas de sollicitations, lui qui doit naviguer à coups fermes de baguettes entre les rives inondées de saturations sombres et celles submergées par un kitsch désarmant et dézingué. (Atypeek Music / Pied de Biche) La musique de Teruyuki Nobuchika prend ses aises dès les premières secondes, apprivoisant l’espace avec parcimonie, déployant ses ailes de poussière et de métal avec délicatesse, enveloppant chaque milli-seconde de grâce suspendue. ✎ Jonathan Allirand Vous vous souvenez sans doute de cette scène des “Tontons flingueurs”, film culte du cinéma populaire français, où l’on voit le jeune Antoine De La Foy, incarné par Claude Rich, se livrer dans son appartement à des expériences sonores à partir de robinets qui fuient et de balles de ping-pong jetées sur des cymbales, à la recherche de l’anti-accord absolu et de la musique des sphères. Eh bien, je peux vous annoncer que l’anti-accord absolu a été découvert et que le secret de la musique des sphères a été percé par Spook, un trio suisse dont les musiciens très éduqués et très sérieux se livrent à des facéties bruitistes en provenance directe d’une autre dimension. Spook se forme en 2015 avec la rencontre de trois musiciens aux pedigrees divers. Ensemble, les trois membres de Spook croisent tout un bagage d’expériences variées et réalisent sur leur premier album “Blurred heads and scrambled eggs” un assemblage on ne peut plus audacieux dans l’avant-garde expérimentale bruitiste. Ceux qui aiment les travailleurs de l’amer, les vices dans la vallée, les bateaux ivres et autres défenseurs de musiques ubuesques, pourront se plonger dans des couloirs resserrés d’où dégringolent des crissements de guitare, des rafales de baffes électroniques, des clapotis de vibrations condensées, des rythmiques déglinguées, des borborygmes poisseux et de longues promenades chahutées sur des sables mouvants. Bref tout ceci est aussi passionnant pour l’amateur éclairé d’avant-garde underground inclassable qu’il est insupportable à celui qui aime les compositions bien structurées, avec des paroles polies et des partitions instrumentales parfaitement identifiables. En tant que promoteur amusé de l’insoluble, je préconise un passage dans ce genre d’expériences, ne serait-ce que pour découvrir que les plafonds de verre qui séparent la logique de l’illogique peuvent être brisés. I ✎ François Becquart www.musicinbelgium.net Auteur d’albums sur des labels comme sur Schole et Nature Bliss, c’est aujourd’hui sur OKTAF, fondé par Marsen Jules, qu’il sort son nouvel opus, aux allures de mini-album de par sa durée de 28 minutes, qui ne laisse pas de place à la longueur, ce qui est plutôt rare dans les musiques dites ambient qui aiment en général s’étirer, pour laisser parler et déployer leurs compositions. Still Air porte bien son nom, tant il ondule entre chaque mesure, chaque collage, des bribes de cordes emprisonnées oscillant entre les flottements de mélodies échappées de contes lacustres aux lettres aquatiques. Teruyuki Nobuchika compose un ambient secoué de spasmes vertigineux, desquels s’échappe le temps, perdant ses bases pour se fondre dans un magma de forces électro-acoustiques à la modularité intrinsèque. Tout en intériorité et en chocs moelleux, Still Air déverse une pluie de pianos sur des compositions perméables à la beauté qui passe, laissant ses rides faire leur travail sur des surfaces de field recording à la virginité immaculée, bousculé par des rythmes cachés sous des orchestrations minimales à la splendeur élégante. Tout en abstraction électro-acoustique et en bruissements subtiles, Teruyuki Nobuch ika déploie un arsenal de miniatures précieuses, construites autour de souffles caressants et de vagues chancelantes, de bruissements légers et d’énergie rampante libérant un déferlement de vertus apaisantes canalisées sous des couches de frémissements éthérés. I ✎ Roland Torres www.silenceandsound.me ATYPEEK MAG #01 OCT./NOV./DEC. 2016 41