18 ATYPEEK MAG # 01 OCT./ NOV./ DEC. 2016
“ Nous sommes partis à Amsterdam. Là bas au Stedelijk Museum il y avait la croix rouge sur le cercle noir de Malevich. Cette image est devenue notre premier symbole.”
Pour vous y a-t-il un événement, un album, une rencontre, qui ont vraiment marqué l’ histoire de Test Dept.
Graham Cunnington: Avec Test Dept., c’ est compliqué car nous avons fait tellement de choses différentes. Mais pour moi The Unacceptable Face of Freedom et Gododdin ont été deux tournants importants, deux points culminants, que ce soit le spectacle et l’ album. Le disque avec les mineurs a aussi été très important quant à notre travail mais si je devais en choisir deux, ce serait ces deux-là.
Et un événement qui a été important dans votre vie artistique en dehors de la production de Test Dept.?
Paul Jamrozy: En dehors de Test Dept., il y a eu des concerts punk que nous avons vus. Je faisais un fanzine à l’ épque qui se nominait Geek, un fanzine postpunk. Ce devait être au début des années 80, peut-être même à la toute fin des années 70. Nous avons grandi avec les fanzines punk comme Sniffin’ Glue. Nous étions inspirés par Mark Perry et Alternative TV, et son travail m’ a donné envie de faire un fanzine. Un des premiers événements sur lesquels j’ ai écrit était à la YMCA de Londres. Dans le même weekend on avait Joy Division, Cabaret Voltaire, Clock DVA, Throbbing Gristle, Rema Rema. À l’ époque ils n’ étaient pas si connus qu’ ils allaient le devenir. C’ est à ce moment-là que le punk avait trouvé une nouvelle énergie en s’ aventurant dans des domaines inexplorés jusqu’ alors. Chaque groupe avait un son très spécifique.
The Pop Group ne jouaient pas à cet événement mais ils furent aussi très importants, mais dans un autre domaine, avec leur intérêt pour le jazz, l’ improvisation et le dub. Cela restait très politique, mais sans être didactique comme ils pourront le devenir plus tard, et c’ est pourquoi leur premier album, Y, a été très important. Leurs débuts vieillissent mieux, et c’ est peutêtre pareil pour nous. Nos vieux titres sont peut-être ceux qui sont le plus connectés avec ce qu’ il se passe aujourd’ hui. Ces événements ont été très importants, car ils ont montré le potentiel du punk à aller vers des directions différentes. Nous faisions déjà de la musique à l’ époque, mais ce n’ était pas très bon, nous explorions des choses, essayant de développer des idées et une esthétique.
Comment avez vous découvert le constructivisme et le futurisme et qu’ est-ce qui vous a attirés dans cette esthétique?
Graham Cunnington: Avant que nous créions Test Dept., nous étions désillusionnés par Londres, l’ ambiance était un peu dépressive. Nous sommes partis à Amsterdam. Là bas au Stedelijk Museum il y avait la croix rouge sur le cercle noir de Malevich. Cette image est devenue notre premier symbole. Nous l’ avions sur nos bannières. Paul Jamrozy: Notre premier et unique tatouage. Graham Cunnington: C’ était le démarrage, nous aimions l’ esthétique. L’ énergie de l’ art soviétique des débuts, les dix premières années avant que ce soit soumis au réalisme social, un art contrôlé par l’ Etat. Il y avait une révolution dans la société et dans l’ art. De la décoration d’ intérieur au cinéma, cette énergie créative touchait à tout. C’ était inspirant mais c’ était aussi la simple image et le symbole qui trouvait une résonance en nous. Nous ne voulions pas de symboles comme Throbbing Gristle ou Psychic TV ont pu en utiliser qui ont mené l’ industriel vers des domaines plus sombres qui ont exploré le passé nazi. Nous voulions nous détacher de ça. Plus tard, Laibach ont aussi utilisé les croix noires de Malevich mais les ont utilisées dans un tout autre contexte et d’ autres perspectives politiques. On s’ entend très bien avec Laibach mais nos angles d’ approche sont très différents.
Paul Jamrozy: Si on en s’ attarde sur Dziga Vertov et le travail qu’ il a fait avec son frère, Mikhail Kaufman, notamment sur L’ homme à la caméra, ils n’ ont fait que documenter en utilisant ce qui se trouve devant leurs yeux. Cette idée de rendre compte d’ une communauté, travailler avec les ressources autour de nous, faire des collages avec cela pour le rendre plus abstrait et intéressant, c’ est ce qui nous a beaucoup inspiré dans ces films. Cela collait bien avec ce que nous faisions. Plus tard, nous avons sculpté tous ces éléments pour atteindre des significations plus profondes.