Atypeek Mag N°1 Atypeek Mag N°1 - Octobre - Novembre - Décembre | Page 19
DU SYMBOLE
à LA MAGIE
Votre travail sur les symboles est intéressant aussi.
J’ai toujours trouvé qu’il y avait quelque chose de
l’ordre du rituel et de la magie dans votre musique,
qui se confirme quand on écoute Terra Firma/Materia Prima par exemple.
Graham Cunnington : Le Beltane Fire l’a mieux
capté que les disques ou les performances de Materia
Prima. Il en reste des images mais les premiers événements n’ont pas été filmés. Il y avait quelque chose
de très réel, même personnel, dans ces rites païens,
après une période fortement politique. Tout le monde
s’est senti brutalisé par Thatcher et ce qui s’est passé
à cette période. Après cela, nous avons senti le besoin
d’explorer de nouveaux territoires d’une façon plus
intime, puis dans les années 90 il y a eu la période
plus digitale et dansante. Pour chaque artiste, il y a différentes périodes de leur histoire où ils font de bonnes
ou de mauvaises choses. Tu prends même David Bowie,
il a fait de la merde aussi. Et il y a eu des périodes où il
n’était pas aussi populaire. À présent il est immortalisé.
Bien sûr que certaines des choses que nous avons faites
auraient pu être mieux, mais ce qui compte ce sont les
travaux en cours, essayer des nouvelles choses. La seule
des constantes chez nous c’est le changement.
©Fred Ambroisine / L’étrange Festival 2016
Paul Jamrozy : Ce n’était pas un accident si le
Test Dept. originel est devenu ce qu’il est devenu. Sans
rentrer dans les histoires personnelles, nous avions tous
une colère en nous qui a fait ce qu’est devenu le projet.
Quelque chose de puissant, de brutal et d’honnête.
Certains des individus se sont complètement écartés du
droit chemin, mais nous avons essayé de canaliser cette
énergie pour ceux d’entre nous qui restent, garder la
violence dans l’œuvre de façon positive. Il y a des gens
que ça a affecté plus que d’autres et ils ont retourné
cette violence envers eux mêmes. C’est la dure réalité
de la vie dans la civilisation occidentale de nos jours.
Quant à votre projet actuel Test Dept Redux, à
des moments j’avais l’impression d’écouter des
vieux morceaux comme “Gdansk” mais cela s’est
transformé en autre chose. On retrouve l’esprit des
débuts mais en même temps ce sont de nouveaux
morceaux.
Vous avez dit qu’il y avait cette colère en vous et
en même temps Test Dept. est un collectif. Vous
seriez des artistes solo, ce serait normal de parler
de l’exploration de soi. Mais dans le cadre de Test
Dept., y avait-il de l’espace pour les émotions individuelles. Laibach disait qu’il n’y avait pas d’individu,
ils étaient juste un Nous collectif.
Graham Cunnington : Cela vient des archives que
l’on a remixées, un travail que l’on a fait pour le film
DS30 projeté aussi dans le cadre de l’Étrange Festival.
Les chansons ont alors été retravaillées de façons
totalement différentes. Nous n’avions pas les cassettes
originales. Nous ne pouvions aller aux sons individuels
d’origine. Nous avons pris les archives en tant que tout
mais on ne peut pas se baser sur toutes ces pistes pour
ensuite ajouter l’écriture et les amener vers autre chose.
Graham Cunnington : C’est vrai que nous étions
un collectif avec nos noms jamais mentionnés sur les
disques ou en interviews. Le collectif était tout, et nous
avons tous apporté des choses et des questionnements
dfts dans Test Dept.
Paul Jamrozy : Nous enregistrons actuellement un
nouvel album en utilisant beaucoup de ces choses. Mais
là encore ça évolue. Même s’il reste le fantôme du passé, ce sera quelque chose de nouveau. C’est une façon
de travailler assez intéressante, d’inclure le passé dans
le présent. Nous ne sommes pas
comme beaucoup de groupes qui
se reforment pour jouer leurs
morceaux les plus connus. Nous
ne sommes pas nostalgiques.
Nous construisons plus des
choses aujourd’hui mais avec
des éléments du passé.
L’album sera prêt pour
l’année prochaine ?
Graham Cunnington :
On va essayer de le finir pour
le printemps. Voyant le temps
qu’on a mis sur le gros livre
rétrospective du groupe, on
pourrait travailler sur l’album
pendant encore dix ans. Mais
nous voulons sortir quelque
chose pour libérer l’espace à de
nouvelles idées. C’est comme
une toile vide. Nous avons des
idées mais pour l’instant il n’y a
rien dessus. Nous pouvons jeter
de la peinture à la Jackson Pollock sur la toile avec tout ce que
nous avons, ou nous pouvons
faire le contraire, laisser un
espace blanc et ouvert comme
l’artiste qui fait des peintures
toutes blanches ou toutes noires,
Rothko. Ce peut être les deux à
la fois d’ailleurs !
ATYPEEK MAG #01
OCT./NOV./DEC. 2016
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