Atypeek Mag N°1 Atypeek Mag N°1 - Octobre - Novembre - Décembre | Page 140

140 ATYPEEK MAG # 01 OCT./ NOV./ DEC. 2016
ROMAN ENQUËTE

EXTRAIT à l’ assaut de l’ empire du

LE LIVRE

STEPHEN WITT- À l’ assaut de l’ empire du disque « Quand toute une génération commet le même crime » Sortie le 3 novembre 2016 Sélection proposée par Cyrille Rivallan, à l’ initative du projet et traducteur du livre et Sophian Fanen, journaliste auteur de la préface. Collection « Castor Music »
Traduit de l’ anglais( États-Unis) How Music got free Édition originale: The Bodley Head, 2015( Londres) A Penguin Random House company
CHAPITRE 11
Il avait beau compter parmi leurs meilleurs clients, il a fallu un bon bout de temps à Dell Glover pour comprendre comment les trafiquants s’ y prenaient pour faire sortir les compact discs du site. Sous le règne de Van Buren, la politique de sécurité d’ Universal était à toute épreuve. En plus de la détection par tirage au sort, on demandait désormais aux employés de déposer leurs sacs sur un tapis roulant pour les passer aux rayons X. Le site était dépourvu de fenêtres et les sorties de secours déclenchaient un signal d’ alarme bruyant. Les ordinateurs portables étaient proscrits sur l’ ensemble du site, ainsi que les chaînes hi-fi, les lecteurs portables, les boom-boxes, ou quoi que ce soit qui puisse accueillir et lire un compact disc.
Sur la ligne de production, les machines de pressage étaient contrôlées numériquement, et elles généraient des rapports d’ entrées / sorties ne laissant aucune place à l’ erreur. Une fois assemblés, les disques étaient mis sous film et immédiatement enregistrés dans l’ inventaire avec une lecture automatisée des codes-barres. La gestion produisait un rapport automatisé après chaque passage, cataloguant à la fois ce qui avait été pressé et ce qui avait été expédié, et la moindre différence devait être justifiée. Pour un album populaire, le site pouvait désormais presser plus d’ un demi-million d’ exemplaires en moins de 24 heures, mais le préstockage de disques numériques permettait à la direction de cataloguer l’ inventaire des disques à l’ unité près.
Une fois emballé, chaque disque quittait la ligne de production, et plus aucun humain n’ y touchait jusqu’ à son arrivée en magasin. Les cartons de disques étaient scellés à la colle, puis déposés sur des palettes d’ expédition par des robots. Des véhicules automatisés guidés au laser conduisaient alors ces palettes aux entrepôts, auxquels les employés ne pouvaient accéder que sous strict contrôle. Seules les personnes travaillant au chargement avaient ledroit de manier les cartons passé ce point.
Et puis il y avait le détecteur. Au cours d’ un poste de travail ordinaire, un employé sur cinq était sélectionné, et la politique de recherche par tirage au sort de Van Buren avait déjà permis d’ attraper plusieurs aspirants-voleurs. Mais ça ne suffisait toujours pas pour certaines occasions. De temps à autre, une sortie majeure transitait par le site – disons The Eminem Show, ou Country Grammar. Ces divas capricieuses arrivaient en limousine aux vitres teintées, transportées du studio de production dans une mallette par un messager qui ne quittait jamais la bande master des yeux. Après que le moule de production en verre avait été généré à partir du master, le messager remettait la bande dans la mallette et repartait aussi mystérieusement qu’ il était arrivé. Quand on pressait l’ un de ces albums très attendus, Van Buren demandait à ce que l’ on passe au détecteur tous les employés du site sans exception, en commençant par le directeur.
Et pourtant, même les disques les plus recherchés trouvaient toujours le moyen de sortir du site. Glover pouvait généralement se les procurer en moins de trois jours. Qu’ est-ce qui se passait? Est-ce que quelqu’ un avait versé un bakchich à un gardien? Est-ce que quelqu’ un