Acte de colloque : La pierre, un choix sociétal | Page 93

Compétences
Il réfléchit et propose une règle , mais qui ne correspond pas encore à notre bâtiment de Nancy . Il continue pour le cas de la basilique , et cela se complexifie . On prend le 12 e , puis le 24 e de la proportion , pour arriver à retrouver l ’ épaisseur des murs .
Évidemment , cette approche est issue de son analyse de l ’ existant . Il est très content de cette règle , puisqu ’ il dit : « Regardez , avec ma règle , la basilique Saint-Paul a des murs de 0,96 centimètre . Avec ma règle , on trouve 1 mètre . » Il faut qu ’ une règle soit sécuritaire — la pensée de l ’ ingénieur est toujours la même : « Tant mieux si cela surdimensionne un peu . J ’ ai quelque chose de valable ».
L ’ Eurocode et son DTU nous disent : « la résistance en flexion … ». C ’ est le critère qui a été parlant pour nous , car le critère de compression était satisfait , tout comme le critère de cisaillement . On avait des interrogations , après le calcul , sur la résistance à la flexion de ces piliers . Nous avons donc la proposition de l ’ Eurocode : « la résistance caractéristique d ’ une maçonnerie à la flexion est de 0,10 mégapascal ». C ’ est assez frustrant . Je m ’ amuse un peu à critiquer une forme d ’ obscurantisme des textes , encore au 21 e siècle , qui se veulent techniques et scientifiques . On ne sait pas de quelle expérience provient ce résultat proposé dans l ’ Eurocode 6 .
On arrive enfin à la deuxième règle , qui concerne la petite maison ordinaire de Nancy . Pour lui , dans une maison ordinaire — remettons les choses à leur place —, il faut que les hauteurs de plancher soient de 12 à 15 pieds . Cela fait 3,80 à 4,80 mètres de hauteur de plafond . On n ’ y était pas . On se prête à l ’ exercice . On trouve , en appliquant la règle de RONDELET , qu ’ il nous faudrait , pour le projet de Christophe , des épaisseurs minimales de 47 centimètres de mur . Si on veut quelque chose de bien solide , on fait du 52 centimètres . On ne t ’ a jamais parlé de cette approche , on l ’ a abandonnée très vite , cela n ’ allait pas .
On prend les normes de calcul d ’ aujourd ’ hui . Qu ’ est ce qui conduit l ’ ingénieur d ’ aujourd ’ hui , dans la conception d ’ une solution en pierre ? C ’ est l ’ Eurocode 6 et son annexe nationale , qui est le DTU 20.1 , dédié aux maçonneries de petits éléments .
J ’ émets un souhait très fort : que l ’ on apporte une démarche scientifique un peu plus sérieuse dans les textes proposés . Démarche que l ’ on peut trouver par exemple dans les codes américains . Quand on a une valeur qui nous dit que la résistance à la flexion d ’ une maçonnerie est de 0,10 mégapascal , une référence bibliographique nous dit quel laboratoire , quelle étude a été menée pour établir cette valeur . Ce serait chouette pour nous aussi .
De même , quand on lit un texte normatif suisse , on a un texte d ’ intelligence et de réflexion ; cela fait du bien !
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Que dit le DTU ? Tel que l ’ avait pensé le complexe paroi-isolation , et comme Grégoire l ’ a rappelé , si on a un mur de maçonnerie de pierre calcaire , il nous faut au minimum 30 centimètres d ’ épaisseur . On ne peut donc pas s ’ appuyer sur ce complexe paroi-isolation . On n ’ arrivera pas à baisser à l ’ épaisseur souhaitée . Il faut donc changer le complexe d ’ isolation , en ajoutant une lame d ’ air entre la paroi maçonnée et l ’ isolant . On va alors passer dans un autre type de mur .
Nous sommes des ingénieurs du 21 e siècle . Cela fait un moment que les Lumières nous éclairent . On arrête avec les rapports de proportion . On parle de capillarité : comment la pierre sèche va-t-elle absorber l ’ eau ? C ’ est une donnée physique qui va être intéressante pour le choix des pierres en soubassement . Ici , c ’ était sur les murs . Par rapport à la pierre de Migné qui était employée , on pouvait se situer sur la deuxième ligne : on pouvait dépasser un peu les 20 centimètres rêvés par Christophe . Mais l ’ ingénieur structures ne regarde pas que ce critère . Il dialogue avec l ’ ingénieur thermicien pour cet aspect . Il va s ’ appuyer sur des critères mécaniques . La science s ’ appuie sur ce type d ’ approche mécanique aujourd ’ hui .
Pour nous , cela a été le critère . Je ne vais pas m ’ appesantir .
Nous avons créé un bureau d ’ études . Nous étions des enseignants-chercheurs . Par nos recherches sur les maçonneries , nous travaillions sur des modèles de calcul qui permettent de mieux caractériser le comportement de ces structures . C ’ est ce que l ’ on appelle la méthode des éléments discrets . On représente chacun des blocs et , par une loi d ’ interaction entre chacun des blocs , qui peut être plus ou moins enrichie — on va s ’ arrêter à un pur contact frottant —, on étudie les réseaux de force qui se développent dans ces maçonneries . Cela nous permet de justifier des appareillages particuliers et de garantir ainsi la stabilité de la structure et sa résistance .
C ’ est Sébastien qui nous a fait ce modèle numérique , qui allait très bien avec notre
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