Acte de colloque : La pierre, un choix sociétal | Page 56

Ressources pose jointée pour essayer de gérer ces écarts . Calepiner avec le maçon et avec l ’ architecte était la première étape .
Le deuxième point intéressant était la question du nettoyage . Ils se sont rendu compte que c ’ était beaucoup plus économique de nettoyer les pierres après avoir monté le mur que de les nettoyer sur notre chantier de démolition . Sur notre chantier de démolition , cela rajoutait une complexité au chantier . Il fallait manipuler les blocs pour les nettoyer sur toutes leurs faces , donc cela prenait du temps . Ensuite , il fallait nettoyer toutes les faces des blocs . En première approche , on s ’ est dit : « on va réemployer des blocs de pierre , donc autant les nettoyer partout et les livrer six faces nettoyées ». En l ’ occurrence , ils les ont installés avec les restes de mortier sur la plupart des faces périphériques , puis ils ont nettoyé avec un chemin de fer l ’ ensemble de la surface du mur une fois qu ’ il était monté , et ils ont bouché les joints qui nécessitaient d ’ être bouchés avec du mortier .
On a donc eu des gains assez importants sur le plan économique et en termes de facilité de mise en œuvre . Par rapport aux chiffres que je vous ai montrés avant , on n ’ était plus à 500 euros du mètre cube pour le réemploi , mais à 350 euros , donc c ’ était assez habile de la part du concepteur et du maçon . Je ne devrais pas dire « maçon », parce que c ’ est une entreprise de VRD qui a répondu à cet appel d ’ offres . J ’ ouvre un sujet qui peut mener à une discussion : la capacité et la volonté des entreprises à répondre à ce genre de marché public pour des choses qu ’ elles ne savent pas forcément faire pour la plupart . La preuve en est , c ’ est une entreprise de VRD qui a remporté le marché , la seule à jouer le jeu et à se lancer .
Vous voyez d ’ autres photos de la mise en œuvre avec des blocs qui sont nettoyés sur toutes les faces . Il y a une question d ’ apprentissage et de montée en compétences dans ces projets . On s ’ aperçoit que les acteurs découvrent en faisant . C ’ est parfois difficile parce que c ’ est nouveau , mais à la fin , la plupart des acteurs sont embarqués , satisfaits et très enthousiastes parce que ces questions de réemploi les amènent à décaler leur vision habituelle de la chose et à s ’ intéresser à de nombreux sujets passionnants .
Concernant le dernier projet , le chantier vient de commencer . C ’ est encore une ambition au-dessus . On travaille avec la même agence d ’ architecture , Petit Œuvre , qui va remettre en œuvre les murs en porteur , toujours dans du logement social , avec un principe de mur massif situé derrière un vitrage et à l ’ intérieur des appartements , à côté des poêles , pour améliorer les qualités thermiques de la façade , profiter de l ’ inertie de la pierre , mais aussi répondre à la contrainte de l ’ ABF qui voulait de la pierre en façade et améliorer la qualité du logement intérieur , puisque vous avez des murs en pierre de taille dans votre séjour . C ’ est assez intéressant et l ’ on attend de voir ce que cela va donner .
Le dernier chantier peut paraître anecdotique , mais embarque avec lui beaucoup d ’ autres missions intéressantes . Que fait-on des restes ? Quand on fait un chantier de démolition , c ’ est complètement illusoire de se dire que l ’ on va pouvoir tout récupérer en bon état . On a toujours des blocs et des matériaux qui sont cassés et qui ne sont pas récupérables , donc la question est de savoir ce que l ’ on en fait . On s ’ est dit que , dans ce grand quartier de logements sociaux réaménagés , il y avait des espaces publics extérieurs à redessiner , parce que les limites entre public et privé bougent . C ’ est ce que l ’ on appelle la résidentialisation . On a invité une association qui s ’ appelle ELIPS , l ’ association itinérante de la pierre sèche , qui est venue avec des habitants du quartier construire des murs en pierre sèche , avec les techniques traditionnelles de la pierre sèche , et former des gens à ces métiers pour fabriquer des murets extérieurs pour tous ces espaces .
On constate que le réemploi , mais c ’ est peutêtre un biais parce que notre pratique chez Bellastock est beaucoup axée sur ce sujet , est un prétexte pour former , sensibiliser et impliquer des acteurs non professionnels à l ’ acte de construire . Cela peut être des habitants , des étudiants , des gens différents , et cet exemple en est une bonne illustration . Cela me permet de faire une petite parenthèse pour vous parler du festival Bellastock qui aura lieu en septembre , dont nous sommes très contents qu ’ il puisse impliquer aussi les Compagnons tailleurs de pierre . On va développer des choses de cet ordre comme on l ’ a fait l ’ année dernière . Cela a très bien fonctionné et nous en sommes très contents .
On a un autre exemple à Nantes , sur la ZAC Mellinet . L ’ opération a commencé en 2017 . On aménage un quartier de logements . Plusieurs casernes se trouvent sur le site et l ’ une d ’ elles doit être démolie . On se dit avec l ’ équipe d ’ architectes qui travaille sur ce projet , Atelier Georges , qu ’ il y a un parc et des espaces publics à aménager et que l ’ on va les aménager avec les matériaux qui constituent cette caserne . Il y a un imaginaire à déployer pour détourner l ’ usage initial des matériaux , par exemple prendre une voûte de fenêtre , la retourner et en faire un chemin d ’ eau pour un parc . Vous voyez quelques images du projet qui montrent qu ’ en termes d ’ aménagement extérieur et d ’ espaces publics , la pierre de réemploi a un bel avenir devant elle ( voir illustration P3.14 ).
On a aussi profité de cette déconstruction et du temps qui séparait la déconstruction de l ’ aménagement du parc , qui était long ( cinq ans ), pour se dire qu ’ on allait faire de ce stock , qui est d ’ habitude une contrainte , un avantage pour le projet . On a disposé les blocs de pierre de la caserne sous forme d ’ architecture de
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