Acte de colloque : La pierre, un choix sociétal | Page 53

Ressources fabriquer des édifices parisiens comme le pont de la Concorde , comme l ’ ancienne gare du Nord , que vous ne connaissez pas , sauf si vous connaissez la gare de Lille Flandres … C ’ est une façade constituée des anciennes pierres de la gare du Nord . J ’ aurais pu vous présenter aussi l ’ exemple du palais des Tuileries qui , après avoir brûlé , a été entièrement démonté et réinstallé dans beaucoup d ’ édifices parisiens . Il y a notamment un fronton dans un parc à Étienne Marcel qui subsiste de ce bâtiment . Les spolia dont a parlé Natalia , en remontant à l ’ époque romaine , étaient une pratique courante .
Avant de rentrer dans mon sujet , j ’ aimerais insister sur la notion de conservation des bâtiments avant de réfléchir à celle du réemploi des matériaux . Le réemploi des matériaux est une pratique un peu résiduelle qui consiste à , quand on a décidé de déconstruire un tout , essayer d ’ en préserver des parties . Avant de réfléchir à cela , il faut se demander comment on peut conserver les choses en place . Cela va de soi et c ’ est bien plus vertueux à tous les niveaux . On peut arriver à des antagonismes en faisant le focus uniquement sur le réemploi des matériaux sans réfléchir en amont à la complémentarité de cette pratique avec celle de la conservation des bâtiments . De la même manière qu ’ il ne viendrait pas à l ’ idée de démonter la cathédrale de La Major à Marseille ou les barres de Fernand Pouillon , on peut se poser les mêmes questions sur des bâtiments plus ordinaires que vous voyez sur la photo , qui constituent le Panier et dont il faut prendre soin avant d ’ envisager leur démontage .
Je vais vous présenter un exemple . On se situe à Tours , dans le quartier du Sanitas , au centre de la ville ( voir illustration P3.11 ), constitué de plusieurs milliers de logements sociaux . Comme , malheureusement , beaucoup de quartiers , et c ’ est un débat qui est plus prégnant aujourd ’ hui que quand on a commencé cette opération , il est sujet à quelques démolitions . Dans ce contexte , on essaie toujours de comprendre auprès du maître d ’ ouvrage pourquoi il démolit , de regarder s ’ il y a des marges de manœuvre pour faire autrement , et quand on ne peut pas faire autrement , on s ’ intéresse au démontage soigné des matériaux .
Vous voyez un peu l ’ identité de ces bâtiments des années 60 et 70 , construits en béton principalement pour leur structure et qui , en façade , présentent des blocs de pierre de taille . On s ’ est demandé pourquoi on construisait en pierre dans les années 60 et 70 ici et on a trouvé la raison dans les archives historiques . À cette époque , la demande en granulat et en béton est tellement importante qu ’ il y a pénurie de béton . C ’ est un peu l ’ inverse de ce que l ’ on connaît aujourd ’ hui . C ’ est pour cela que les constructeurs sont allés chercher de la pierre dans les carrières locales pour bâtir le complément sur ces façades .
La question est : comment peut-on déconstruire ces éléments pour les réintégrer ailleurs ? La première étape , qui est le préalable indispensable , est le diagnostic . Cela consiste à regarder les choses , comment elles sont assemblées et fabriquées , regarder le type de pierre que l ’ on a en face de nous . On n ’ est pas professionnel de la pierre , donc on ne le connaît pas . Il s ’ agit de regarder les dimensions des blocs , s ’ ils vont être manutentionnables et déplaçables facilement . Les dimensions des blocs sont les mêmes que celles que Natalia a citées dans le projet espagnol : les blocs ont des largeurs de 80 centimètres qui varient de temps en temps ( 60 et 100 ) et des hauteurs et des épaisseurs constantes ( 44 sur 33 ).
On va regarder ces spécificités et en particulier les joints d ’ assemblage . Qui dit réemploi , dit démontage soigné ou dépose soignée ou déconstruction . Il existe beaucoup de mots pour désigner cette opération qui consiste à déposer soigneusement quelque chose , un peu avec le film inverse de la façon dont on l ’ a construit .
Vous voyez un petit trou que l ’ on fait avec notre perceuse pour voir si la mèche rentre bien ou moins bien pour avoir une idée du type de liant . Quand cela rentre aussi bien , une première étape est passée , parce que cela veut dire que ce n ’ est pas un mortier de ciment , mais un mortier de chaux ou un mortier bâtard . En tout cas , le joint pourra céder avant le matériau , en l ’ occurrence la pierre . C ’ est une première bonne nouvelle .
Ensuite , si vous voulez que votre matériau soit réemployé après l ’ avoir démonté , comme il n ’ existe pas de marché préconstitué , il faut trouver des opérations réceptrices , donc des chantiers , avec des maîtres d ’ ouvrage et des architectes qui vont s ’ emparer de ces matériaux pour les remettre en œuvre . On contacte , avec notre maître d ’ ouvrage , le bailleur social Tours Habitat qui est le plus gros bailleur de la région , on contacte des maîtres d ’ ouvrage du coin et des architectes , on leur fait visiter les bâtiments , on leur explique ce qu ’ ils ont en face d ’ eux et on regarde comment ils vont pouvoir , s ’ ils le souhaitent , intégrer cela dans leur projet .
P3.11
Une étape fondamentale à cette échelle
53 COLLOQUE - LA PIERRE , UN CHOIX SOCIÉTAL