Acte de colloque : La pierre, un choix sociétal | Page 32

Contexte faible résistance à la torsion . Le marès , comme la plupart des pierres tendres , se prête mieux à des murs qu ’ à des structures en ossature . Pour rendre les colonnes résistantes à des poussées latérales , l ’ ingénieur structures a préconisé de les renforcer avec du béton armé . À l ’ écran , vous voyez un bloc avec des perforations pour ce genre de renforcement sur un autre chantier à Majorque ( voir illustration P2.14 ).
Dans le cadre de la crèche à Llubí , estimant que la proposition de l ’ ingénieur de renforcer la pierre de cette façon était en quelque sorte fausse ou immorale vis-à-vis de la pierre , les architectes ont remplacé les éléments porteurs en pierre par du CLT , donc du poids de facto renforcé par la colle issue de l ’ importation . Une espèce de double standard pour la pureté de la mise en œuvre des matériaux m ’ a interpellée . Mes échanges avec les architectes ont révélé à quel point leurs choix formels pour la structure de ce bâtiment sont liés à des codes moraux , notamment l ’ idée de la vérité constructive ou de la légèreté , qui se sont développés à des époques révolues , souvent avec d ’ autres types de matériau . grande diversité de formes architecturales .
Aujourd ’ hui en France , à ma connaissance , il n ’ y a pas de tentative d ’ établir de telles dimensions standards , à l ’ échelle des carrières individuelles ou à l ’ échelle nationale , qui prendraient en compte à la fois la matière telle qu ’ elle se présente dans le sol et les enjeux énergétiques de l ’ extraction , de la transformation et de l ’ assemblage de la pierre . Dans le sixième chapitre , j ’ explore la tendance actuelle à Majorque de laisser les éléments de structure en pierre apparents , sans enduit ni peinture pour les recouvrir . Le mur double de maçonnerie , dans le cas majorquin , est très souvent un mur extérieur de 10 centimètres , un vide de 10 centimètres , puis un mur intérieur de 20 centimètres . L ’ adoption du double mur de maçonnerie , qui a été introduite sur l ’ île par l ’ architecte danois Jørn Utzon en 1970 lorsqu ’ il a construit sa célèbre maison Can Lis , a permis aux architectes d ’ IBAVI de laisser la structure en grès local visible à l ’ intérieur et à l ’ extérieur du logement . Vous voyez sur l ’ image la finition telle qu ’ elle est livrée .
La discussion dans ce chapitre s ’ articule autour de la réévaluation nécessaire des codes moraux et l ’ usage de la pierre en structure aujourd ’ hui qui permettrait de réfléchir à l ’ alliage de la pierre avec d ’ autres matériaux plus subtilement . Renforcer ou ne pas renforcer la pierre pourrait constituer un débat passionnant .
Dans le cinquième chapitre , j ’ observe comment la nature et l ’ organisation du travail manuel dans l ’ extraction , la transformation et l ’ assemblage de la pierre à Majorque sont intimement liées aux dimensions standards — les mêmes depuis l ’ Antiquité — des blocs utilisés . La quasi-intégralité des carrières sur l ’ île ( environ une douzaine ) travaille avec des blocs standards qui mesurent 80 centimètres de long , 40 centimètres de haut et 40 centimètres en profondeur .
Contrairement aux tentatives d ’ industrialisation de la filière pierre en France dans la période de l ’ après guerre , le travail avec des modules à Majorque ne sert pas les objectifs de la production en continu , mais limite plutôt le recours à des machines de levage consommatrices d ’ énergie . Dans les carrières comme sur les chantiers , les blocs restent « manutentionnables » à l ’ aide d ’ outils relativement petits et parfois purement mécaniques qui ne nécessitent que l ’ énergie des ouvriers . Comme le montrent les projets expérimentaux d ’ IBAVI , les modules de 80 × 40 × 40 centimètres sont particulièrement polyvalents en termes d ’ assemblage , pouvant par exemple être coupés en longueur pour fabriquer des éléments de 20 ou 10 centimètres de profondeur pour servir de cloison ou de couche de mur double . Ces modules concilient ainsi la régularité et la répétition avec une
Cela a d ’ abord provoqué un certain choc esthétique au sein de la population locale , à commencer par les habitants eux-mêmes . Ils ont perçu cela comme une finition pauvre , voire comme une absence de finition . La même ambivalence planait sur la pierre dans le cadre du projet à Plan-les-Ouates où le maître d ’ ouvrage a gardé une provision pour recouvrir les murs en Placoplatre si les habitants n ’ acceptaient pas de vivre avec la pierre à l ’ intérieur de leur logement . En Espagne , ce n ’ est que quand l ’ architecte en chef d ’ IBAVI a parlé aux habitants d ’ un nouveau style « rustic mallorquin » pour justifier ce choix de finition brute qui faisait allusion à l ’ architecture rurale vernaculaire qu ’ ils ont pu s ’ approprier ce nouvel imaginaire d ’ un mur intérieur qui n ’ est pas celui d ’ une surface blanche , immatérielle , à laquelle nous sommes tous habitués .
Les trois derniers chapitres s ’ articulent autour du projet pour un nouveau centre universitaire à Cambridge , en Angleterre , dessiné par Caruso St John Architects . Il s ’ agit d ’ un bâtiment de deux étages qui associe des façades autoporteuses en Ketton stone , une pierre calcaire locale , avec des tailles et des murs en ( inaudible ).
Le septième chapitre décortique la compréhension qu ’ ont les architectes et les ingénieurs de ce qu ’ est l ’ innovation avec la pierre dans les premières phases du projet , alors qu ’ ils débattent des vertus relatives des façades porteuses versus autoporteuses en pierre . L ’ innovation de la proposition des architectes pour les façades réside dans l ’ adaptation du mur double , associant la pierre et la brique , présent dans la quasi totalité des bâtiments existants de Downing College à Cambridge .
32 COLLOQUE - LA PIERRE , UN CHOIX SOCIÉTAL