Emploi
On a une désidentification par le métier . Le métier , pour beaucoup de personnes , devient un peu secondaire . C ’ est une minorité , mais une minorité croissante . David Graeber , sociologue , a commencé à documenter cela dans son ouvrage Bullshit Jobs , qui parlait de la démission dans les métiers du numérique et de la finance aux États-Unis . pas avoir une vérité absolue , au vu de toutes ces mutations . On réunit , dans les CAPEB , les partenaires : les fabricants , les centres de formation et toutes les entités qui gravitent autour du secteur du bâtiment . On fait également parler les entreprises , et on interroge les principaux d ’ établissements scolaires , les directeurs de tous les centres de formation .
Ici , on est de plus en plus touchés . Les attentes , c ’ est d ’ avoir du temps libre pour ce qui est des collaborateurs . C ’ est de se construire , de faire des expériences multiples : rester moins de 2 ans dans une entreprise . Pour une entreprise , c ’ est extrêmement lourd . Le temps de la montée en compétences … On est content quand quelqu ’ un a fait 4 ans de formation initiale et 4 ans en entreprise . Il commence alors à être bien . Le temps devient de plus en plus court . Beaucoup d ’ entreprises disent : « Si je garde mes salariés 5 ans , c ’ est bien . Quand j ’ en embauche un , je sais qu ’ il va rester 5 ans au maximum et qu ’ il va falloir que je prépare la suite ». Voilà les évolutions .
Parmi les attentes , il y a aussi le fait d ’ avoir un métier valorisé aux yeux de la collectivité . On ne vient pas travailler pour chercher de l ’ argent . On a l ’ impression que l ’ argent est beaucoup moins un besoin vital . On vient travailler pour faire quelque chose d ’ utile . La reconnaissance sociale se fait par 2 biais , selon moi . D ’ une part , nous sommes reconnus par les autres , par la collectivité , parce qu ’ on sert la collectivité . D ’ autre part , on est reconnu parce qu ’ on fait un métier qui est compliqué à faire , dans lequel il y a vraiment du savoir-faire . On n ’ est pas serreur de banche sur un chantier de grande taille . Même s ’ il y a un vrai savoir-faire , ce n ’ est pas reconnu . On veut faire des métiers qui font rêver .
M . Le Bihan .
C ’ est très intéressant . Le seul attrait que l ’ on pourrait avoir pour le métier n ’ est pas forcément numéraire et financier . Cela appelle aussi aux métiers qui ont du sens . Il est important de donner du sens à ce métier .
Pour faire le lien avec ce que tu présentais , les métiers manuels et les métiers présentés aujourd ’ hui sont des métiers qui font sens d ’ un point de vue environnemental . Mais rien n ’ est immuable aujourd ’ hui . Il y a toujours des jeunes intéressés par nos métiers . Pour toi , quels seraient les leviers à enclencher pour arriver à mieux communiquer sur nos métiers , à communiquer sur cette quête de sens , et sur la richesse , aussi , de nos métiers ?
M . Marmonier .
Les réflexions que je porte aujourd ’ hui sont l ’ aboutissement d ’ échanges . Je ne prétends
Il semble qu ’ il n ’ est pas très difficile de faire rêver un jeune . Cependant , les jeunes ne sont pas les prescripteurs de leur orientation . Ils ont des envies . C ’ est assez facile de les « séduire ». Quand on leur parle de la pierre , ils pensent à énormément de choses . Ils pensent à un certain Moyen Âge idéalisé , loin des problématiques énergétiques , ce Moyen Âge mis en exergue par Chrétien de Troyes au 12 e siècle , puis plus récemment par de multiples auteurs contemporains . C ’ est un peu ce qui fait rêver les jeunes : cette société qui semble plus facile que celle d ’ aujourd ’ hui . Travailler dans la pierre , c ’ est s ’ inscrire dans cette continuité , entre autres .
En revanche , l ’ orienteur n ’ est pas forcément le jeune ; ce sont souvent les parents , voire le personnel en collège .
Et nous n ’ avons pas que des jeunes . Nous avons aussi des personnes qui ont des préoccupations d ’ intérêt collectif . Indépendamment de ce qui fait rêver , la pierre , c ’ est une ressource accessible , chez nous , sans envahir des territoires inféodés , comme on le faisait avec le béton . Le béton et la ferraille , cela fonctionne si nous avons des colonies ou des territoires inféodés qui nous fournissent l ’ énergie . Pour des personnes qui réfléchissent , qui ont des préoccupations de géopolitique , la pierre , c ’ est du cru local . Il y a un peu d ’ énergie — on en a parlé ce matin : il faut scier la pierre . Mais c ’ est sans commune mesure avec les matériaux cuits .
Cela aussi séduit : c ’ est peu impactant vis-à-vis de l ’ environnement . Quelqu ’ un qui est à cheval sur les écosystèmes et le paysage français va dire que c ’ est impactant . Mais cela n ’ a rien à voir avec les mines d ’ uranium en Mongolie ou les puits de pétrole en Afrique , qui font des dégâts monumentaux , phénoménaux .
Quand on connaît un peu la géopolitique , aller vers la pierre , c ’ est aussi aller vers une exploitation sage et responsable .
M . Le Bihan .
L ’ idée est de mettre ces éléments en avant . Lorsqu ’ on peut communiquer sur la pierre , on parle beaucoup de la mise en avant des gestes métiers , qui peuvent séduire . Quand on est jeune , on est attiré par le métier parce qu ’ on voit un geste , des monuments , des choses qui vont traverser le temps .
Tu parles des orienteurs et de la quête de
106 COLLOQUE - LA PIERRE , UN CHOIX SOCIÉTAL