Q uand on arrive au Plantarium de Gaujacq dans les Landes, quelque chose change. Niché au cœur de la Chalosse, ce jardin botanique ne ressemble à aucun autre. Créé en 1985 par Jean Thoby et son épouse Frédérique, le lieu prend racine sur un ancien site gallo-romain. Une terre où s’ entrelacent la mémoire des siècles passés et l’ expérimentation du vivant.
Le jardin abrite plusieurs milliers d’ espèces végétales, dont plus de 2 000 variétés de camélias collectées à travers le monde et dont certaines sont exploitées par une marque de luxe française. Il s’ y cultive une attention rare, presque artisanale, portée aux rythmes des saisons, aux alliances entre les espèces, aux gestes de la main. Mais ce qui intrigue les visiteurs, au-delà des feuillages luxuriants et des floraisons précieuses, c’ est une sensation particulière, difficile à nommer. Comme si quelque chose cherchait à s’ exprimer.
Un jardin qui parle autrement
Ce « quelque chose », Jean Thoby l’ écoute. Depuis plus de 10 ans, il capte les signaux électriques émis naturellement par les végétaux. À l’ aide d’ un petit boîtier relié à la terre et aux feuilles, il mesure leurs variations, traduites ensuite en données musicales via un synthétiseur. Le résultat? Des mélodies uniques, propres à chaque individu, qui semblent varier selon l’ environnement, la lumière ou la présence humaine. Pas de magie ici, ni de croyance. Ce type de signal est étudié depuis longtemps et évolue en fonction de l’ état de la plante et de son contexte. Jean Thoby, lui, choisit d’ en faire une lecture musicale. Il appelle cela la phytoneurologie: « On sait depuis longtemps que les plantes perçoivent leur environnement, qu’ elles sont sensibles aux chants des oiseaux, explique-t-il. Là, on commence à mieux entendre comment. »
Deviation
SOUL, FUNK, FOLK
Par FredG
1 dimanche sur 2 à 16h
De la chlorophylle au clavier
Le parcours de Jean Thoby est celui d’ un autodidacte passionné. Issu d’ une lignée de pépiniéristes, il choisit très jeune d’ apprendre sur le terrain, au contact direct du végétal. Remporter en 1995 la prestigieuse bourse Nuffield lui permet alors de voyager à travers le monde pour rencontrer des spécialistes et explorer diverses pratiques horticoles et botaniques. Très tôt, il s’ intéresse à l’ acclimatation, à l’ observation fine des comportements des plantes, à leurs rythmes et à leurs besoins. À Gaujacq, rien n’ est laissé au hasard. L’ orientation des massifs, les espèces choisies, les microclimats créés: tout est pensé pour favoriser l’ équilibre du lieu. En 2012, il commence à capter les signaux émis par ses pensionnaires chlorophylliens. Et rapidement, il observe des phénomènes troublants: certaines espèces semblent réagir à la présence des visiteurs. Elles « s’ arrêtent » ou se mettent à jouer lorsqu’ il entre dans la pièce. « Quand on entre dans une serre, la plante sait que vous êtes là », dit-il simplement.
Dans une expérience menée en collaboration avec des chercheurs, 2 serres identiques furent observées: dans l’ une, on parlait aux plantes avec douceur; dans l’ autre, avec agressivité. Les résultats furent sans appel: dans la première serre, les plantes prospérèrent; dans la seconde, leur croissance fut ralentie, et certaines dépérirent. Une démonstration simple, mais puissante, de ce que Jean Thoby appelle l’ effet miroir entre notre état intérieur et la vitalité du vivant.
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