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ENVIRONNEMENT / Dossier Océan
ENTRE SURPÊCHE ET CLIMAT

Fin de la pêche dans le golfe de Gascogne ?

Interdire la pêche un mois cet hiver a ébranlé toute une filière . Reconduite pour 2 ans , cette fermeture pousse le secteur à se transformer .
Texte Laurie Debove , rédactrice en chef de La Relève et La Peste

E n France , seul un poisson sur deux est pêché durablement , loin des 100 % visés par l ’ Europe . Une situation que l ’ on retrouve dans le golfe de Gascogne , où seulement 48 % des espèces de poissons pêchées proviennent d ’ une pêche durable selon l ’ Ifremer .

Malgré des politiques de quotas , dits « total admissible de captures » ( TAC ), et quelques succès comme la renaissance du thon rouge , la situation se dégrade depuis 15 ans . Entre 2021 et 2022 , la part des stocks « surpêchés et dégradés » est ainsi passée de 13 % à 17 % dans le Golfe .
Entres autres causes : des techniques de pêche non-sélectives et destructrices avec l ’ essor du chalutage de fond . Le chalut , un filet de pêche en forme d ’ entonnoir , peut être tracté par un ou deux navires . Placé au fond de l ’ océan , il racle le plancher océanique et capture les espèces quasiment sans aucune distinction . Selon l ’ ONG Bloom , l ’ AMP européenne la plus chalutée est l ’ AMP française du Talus du golfe de Gascogne , qui cumule à elle seule plus de 200 000 heures de chalutage en 2023 . Mais les filets de pêche plus classiques peuvent eux aussi être problématiques . Depuis 2016 , des milliers de dauphins communs sont capturés accidentellement dans le golfe de Gascogne chaque année , mettant l ’ espèce en danger . À tel point que cette année , la France a été contrainte de fermer la pêche pendant un mois sur la zone , de fin janvier à février , afin d ’ éviter leur extinction .
Renouvellement des espèces et protection de la filière
Une mesure qui a porté ses fruits selon un 1 er bilan de l ’ Observatoire Pelagis : à météo comparable , le taux de capture apparent des petits cétacés se situe depuis 2012 entre 50 et 90 % durant la période , contre seulement 10 % cette année . Une 1 re estimation positive partagée par les acteurs de terrain . « Les dauphins échoués sur un mois avec les marques de la pêche en 2023 étaient estimés à 750 environ alors que sur la même période en 2024 , ce sont 150 dauphins qui se sont échoués , soit 5 fois moins , explique Dominique Chevillon , membre du groupe de travail national de captures des petits cétacés . Une avancée significative et satisfaisante pour les dauphins . »
Fermer la pêche sur tout le golfe de Gascogne , soit 400 bateaux immobilisés pendant 4 semaines , est une première par son ampleur . Les pavillons étrangers en ont eux aussi été exclus . Cette fermeture sera reconduite à la même période , du 22 janvier au 20 février , en 2025 et 2026 . Seuls les ligneurs , technique de pêche sélective , sont autorisés à continuer leur activité . Mais annoncée seulement un mois
avant par une décision de justice , cette fermeture a eu des conséquences socio-économiques sur la filière ( pêcheurs , mareyeurs et restaurateurs ) qui s ’ interroge aujourd ’ hui sur son avenir . « Le dédommagement aurait dû être pensé et versé en amont , afin d ’ assurer les salaires des employés , en particulier les vendeurs , commente Patrick Courtiau , seul ligneur de Capbreton . Il faudrait prévoir un plan B dès maintenant : bien définir les conditions et les temps d ’ arrêt . On ne peut pas transformer tous les bateaux : si on en enlève d ’ une pêcherie pour les reporter sur une autre , ça va faire effondrer d ’ autres populations de poissons . »
Pourtant , la fermeture spatio-temporelle de la pêche est une bonne nouvelle pour le renouvellement d ’ autres espèces , notamment le bar dont c ’ est la période de reproduction . Or , on apprend à peine à connaître le cycle de vie des poissons pour respecter leur rythme biologique que tout change à cause du dérèglement climatique . Certaines espèces habituellement présentes ont commencé à migrer vers le Nord , comme le thon rouge , tandis que d ’ autres espèces tropicales y font désormais des incursions comme la daurade coryphène . « Moi je préférerais qu ’ on concentre les efforts pour limiter la pollution de l ’ eau , cela fait plus de 10 ans qu ’ on lance l ’ alerte sur le sujet et personne ne nous écoute , » conclut Patrick .
© Lilian Haristoy
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