gouttes d’ huile tombent. Afin d’ avoir raison de ces gouttelettes, avec obstination j’ ai créé une quarantaine de flacons différents, en affrontant toujours les mêmes difficultés. Désormais nous ne rencontrons plus de complication car j’ ai réalisé dans l’ émail une cavité pour la retenir. Lors du premier contact avec l’ huilier votre main rencontrera une texture semblable au liquide à l ' intérieur, à la fois piquante, fruitée et douce. L’ apparence visuelle est importante car elle nous fait rentrer dans le monde sensible de la gastronomie, tout en respectant la présence des autres objets disposés sur la table.
GV- Je ne voulais plus mettre un nom sur l’ étiquette, je pensais que cela faisait un peu vieillot. J’ ai relaté l’ histoire de l’ huile d’ olive en représentant l’ arbre qui traverse les temps et la meule qui broie les olives. Pour le dessert j’ ai conçu un tableau avec divers petits plats, comprenant du solide et du liquide. Au début on mange le solide, on passe tout de suite aux aliments liquides. Dans ce dessert on a le sucré, le salé, un fruit, un légume, une association parfaite, servie très fraîche. Sur une assiette bien particulière je devais proposer une soupe d’ ortie, puis j’ ai trouvé que l’ araignée lui convenait mieux et finalement il m’ est paru nécessaire de lui donner un autre usage. Mes plats représentent l’ opulence, il y a toujours quelque chose à grignoter, je mets un petit satellite autour. Ce sont deux petits plats en un, avec des textures, des goûts différents qui s’ associent à merveille. Dans l’ intérieur complexe de l’ oursin vous trouvez une soupe de biscotte, je garde le gras, le petit lait, je le citronne et dépose dessus une langue d’ oursin.
CC- Après avoir modelé et tourné il est important lorsqu’ on attrape l’ objet qu’ il soit agréable au toucher. Je travaille sur l’ esthétique et l’ utile. Le résultat d’ une cuisson qui s’ est mal passée a permis la formation de perles.
GV- Lorsque j’ ai remarqué les plats avec des perles dans l’ émail, j’ ai pensé aux poissons qu’ on met sous la salamandre avec l’ écaille qui se rétracte. Je vais placer sur l’ assiette une cloche qui lors du service va être soulevée permettant de découvrir des petits anchois bien rangés, lorsqu’ on la retourne, à l’ intérieur se trouvera un autre met, les clients dans la surprise y verront une métamorphose surprenante qui va accroître leur curiosité dans la dégustation du plat présenté. Au début, l’ idée était de faire un hommage à Mr Thuillier qui aimait peindre. Je désirais réaliser avec chaque assiette un nuancier constitué de couleurs différentes. L’ idée n’ était pas aboutie, elle est devenue un galet tout simple en forme de palette de peintre, associé à un support pour des verres, un pour les couteaux, accompagné d’ une coupelle à pain, favorisant dans l’ imaginaire du client l’ image d’ une pierre qui éclate en tombant. Ce travail permet d’ avancer, nous produisons de la poésie, de la douceur, de l’ humour. La cuisine c’ est de la répétition, elle est multiple comme notre travail avec Cécile.
LE TRAVAIL
CC- Ma façon de façonner l’ argile, m’ emmène souvent vers ce
que je désire. La forme que je donne à la céramique en pétrissant à la main est tendre, fragile et risque de se fendre. C’ est très compliqué de faire des assiettes en porcelaine avec un contenant assez arrondi, très creux et des bords extrêmement larges. Les couleurs de l’ émail, selon la position dans le four, vont être plus ou moins colorées, on ne peux pas le contrôler. Mes plats sont rarement identiques, les lignes, les ovales, les contours pleins de couleur conservent leur mystère, la perfection demande trop d’ exigence. L ' Oustau de Baumanière c’ est parfait dans l’ imparfait.
GV- L’ imperfection me permet de montrer au client que c’ est un travail artisanal.
LES PLATS CULINAIRES
GV- Un plat peut résulter parfois d ' une erreur, mon riz de veau est accompagnée d’ asperges cuites à l’ eau. L’ année dernière j’ avais envie de proposer une autre approche, j’ ai pensé les mettre au four sur une plaque en inox avec du sel, du poivre et puis je les ai oublié, elle sont ressortis un peu brunes, je les goûte et là quelle fut ma surprise, j’ ai retrouvé le goût de l’ asperge mais caramélisée, en mangeant un croquant qui nous ramène à l’ enfance. Depuis j’ indique sur la carte:“ asperge en sur-cuisson”. Mon homard lorsqu’ il est trop chaud, se contracte et en le coupant en deux cela dégénère, car la chaleur l’ agresse. L’ homme n’ est pas habilité à manger trop chaud ça altère le goût et la texture.
NOS PROJETS
G V- Nous avons le projet de la création d’ un plat en forme de rocher.
CC- C’ est une pièce cylindrique destiné à l’ apéritif avec trois plateaux afin d’ évoquer les massifs décharnés, tout en nervures, des Baux de Provence. C’ est un plaisir à réaliser mais aussi beaucoup de stress notamment pour les cuissons.
GV- Je vais bientôt créer un pain pour chaque plat. Je me suis aperçu de l’ absurdité pour un client qui va manger un rouget à la tomate avec un pain aux noix, il n’ y a aucune relation gustative. Les pains sont un peu plus gros, ils se conservent mieux, la bonne cuisson permet de garder l’ amertume, le croustillant, avec cette merveilleuse vision de crevasses et de crêtes. J’ ai mis au point un assaisonnement sans sel mais très relevé, car les personnes confondent corsé et salé. Il suffit de prendre un jus de carotte, le passer à la centrifugeuse, le faire réduire en le portant à 60 degrés pour qu’ il devienne une petite pâte à modeler, qui va être moulée, séchée et durcie jusqu’ à ce qu’ elle devienne comme une pierre mais avec une concentration importante de goût qui pourra avantageusement remplacer le sel. Ma cuisine est plus typée qu’ avant, les gens y adhérent ou pas.
CC- Ce que j’ apprécie dans l’ argile que j’ utilise, ce sont les petites granulosités à l’ intérieur de la pâte qui donnent un aspect sableux. S’ engager dans la fabrication de sa terre est un travail très physique, il faut malaxer avec insistance et faire continuellement des ajouts.
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