Ville à vélo Printemps 2018 | Page 59

de transbordement , à l ’ avenant de ce qui se fait ailleurs dans le monde .
Angles morts À la SAAQ , on fait le tour des écoles primaires et des grands événements populaires , tel le Tour de l ’ Île , avec un camion dix-roues à benne basculante , qu ’ on entoure de tapis rouges représentant les angles morts du conducteur . Puis on fait grimper le public dans la cabine . « Le concept d ’ angles morts est assez abstrait pour la majorité des gens , explique Marie-Josée Michaud , porte-parole de la SAAQ . Une fois dans la cabine , ils sont surpris . On installe un vélo aux endroits critiques et ils ne le voient pas ! Ça incite les cyclistes à éviter ces zones . Si vous n ’ apercevez pas le visage du camionneur , c ’ est que lui non plus ne vous voit pas ! »
Vélo Québec a justement lancé un jeu vidéo destiné à sensibiliser aux angles morts les écoliers des 5 e et 6 e années du primaire . « Dans le cadre du programme Cycliste averti , nous rejoignons près de 3000 élèves par année , explique Magali Bebronne , chargée de projet . Comme il n ’ existe pas de matériel didactique et que c ’ est compliqué d ’ organiser des sorties , nous avons privilégié l ’ approche ludique . » Le studio de jeux vidéo Ako a donc mis au point un jeu de samouraïs et de ninjas , que les joueurs positionnent autour d ’ une moto , d ’ une auto ou d ’ un camion . Les samouraïs doivent être visibles , pas les ninjas .
La Société de transport de Laval ( STL ) s ’ attaque également à ce problème en procédant , depuis l ’ été dernier , à des essais de plusieurs technologies embarquées . « Nous testons sur des circuits fermés des radars , des caméras et des systèmes infrarouges , explique Sylvain Boucher , directeur de l ’ entretien et de l ’ ingénierie . Ces systèmes contribuent à prévenir des collisions imminentes . Nous cherchons actuellement à éliminer les fausses alertes en vue d ’ augmenter la fiabilité , hiver comme été . »
La STL , qui mène ses tests en collaboration avec la Société de transport de Montréal et l ’ Association du transport urbain du Québec , n ’ a pas déterminé quand elle installera ces systèmes d ’ aide à la conduite , car il reste à effectuer des essais sur de véritables circuits d ’ autobus . Sylvain Boucher considère que les coûts – quelques milliers de dollars par autobus – sont dérisoires par rapport aux gains en sécurité . ●v
Jacques Sennéchael

Les camions

Dans les accidents ayant coûté la vie de cyclistes ou leur ayant causé des blessures graves , « les véhicules lourds sont surreprésentés », indique un rapport spécial de la SAAQ d ’ octobre 2014 . Ceux-ci représentent 3 % des véhicules circulant à Montréal alors qu ’ ils sont impliqués dans 38 % des accidents entraînant la mort de cyclistes ( 31,4 % à l ’ échelle québécoise ). Gare aux intersections : un accident mortel sur deux s ’ y produit ( tous types de véhicules confondus ).

Là où c ’ est obligatoire , l ’ installation de protections ( ou jupes ) latérales sur les camions fait chuter de 61 % le nombre de décès chez les cyclistes heurtés par des camions , révèle une étude du Conseil national de recherches du Canada . Le Transport Research Laboratory britannique affirme que les miroirs convexes permettent de diminuer de 10 % les décès de cyclistes . L ’ industrie du camionnage et les sont dangereux

responsables gouvernementaux se font malgré tout tirer l ’ oreille . Marc Jolicoeur , directeur de la recherche chez Vélo Québec , estime que Montréal devrait équiper rapidement ses propres véhicules et imposer ces mesures à ses sous-traitants . Comme l ’ a fait Westmount . Or les élus hésitent depuis des années .
Victimes cyclistes , demi-citoyens ? Les victimes d ’ accidents de la route ne sont pas toutes traitées de la même manière par les médias . Quand un cycliste meurt , les médias ont tendance à déresponsabiliser l ’ automobiliste ou le chauffeur de camion . C ’ est ce que constate Joëlle Gélinas , doctorante en communication à l ’ UQAM , qui a étudié le processus narratif de plusieurs journaux en 2016 .
Dans 79 % des occurrences , les médias choisissent des termes non humains ( camion , poids lourd ) au lieu de termes humains ( chauffeur ), ce qui incline à transférer la responsabilité vers le véhicule . On parle aussi de « cycliste happé mortellement », de « cycliste qui a glissé sous les roues d ’ un camion » : en se concentrant sur les actions du cycliste , on laisse entendre que c ’ est ce dernier qui est responsable de l ’ accident , par son comportement sur la route , même lorsqu ’ il n ’ en est rien .
Les journaux mentionnent souvent que le cycliste ne portait pas de casque , même s ’ il s ’ est fait écraser par un poids lourd . Pire , certains articles ajoutent un commentaire général sur la témérité des cyclistes dans le secteur où s ’ est produit l ’ accident . Est-ce un parti pris contre les cyclistes ou une volonté de préserver la présomption d ’ innocence des chauffeurs ? La chercheuse avance que les journalistes sont peut-être prisonniers d ’ un biais culturel …
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