Pensez-vous que les gens ne devraient pas
avoir peur des insectes ?
Bien sûr, certains insectes sont dangereux ou venimeux, comme n’importe quelle autre sorte d’animaux, mais sinon, il n’y a aucune raison d’avoir peur des insectes. Cette peur vient du fait que beaucoup de personnes, surtout en Europe et en Amérique du Nord, n’ont jamais gouté d’insectes : c’est la peur de l’inconnu.
Les gens réagissent de la même manière avec les rats, surtout dans les zones urbaines, mais dans la campagne, on mange des rats ! On peut aussi comparer les insectes au sushi et au sashimi : il n’y a pas si longtemps, beaucoup d’occidentaux étaient dégoutés par le poisson cru et les algues, mais aujourd’hui, tout le monde mange des sushis et des sashimis ! A l’époque, on aurait fait la même grimace si quelqu’un nous nous avait proposé un sushi, qu’aujourd’hui si on nous faisait gouter une sauterelle !
Quand on est un enfant, on s’habitue à ce que nos parents nous donnent, mais il suffit d’être ouvert et d’avoir un peu de sens de l’aventure, et on peut découvrir des plats fabuleux, voire même changer son régime alimentaire de A à Z !
Comment convaincriez-vous quelqu’un de manger des insectes ?
On peut exposer les atouts nutritionnels, environnementaux et économiques des insectes, mais cela ne va pas changer totalement l’avis de quelqu’un. Si ce quelqu’un goûte, ce sera pour trois raisons : soit il a le goût de l’aventure, soit il accorde beaucoup d’importance à l’environnement, soit il considère que la sécurité alimentaire mondiale est très importante.
Mais le choix du régime alimentaire ne sera fait que sur la base de la question du goût : aime-t-il ou n’aime-t-il pas ? Et même ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent ou qui ont un accès limité à de la nourriture feront ce choix. Bien sûr, on peut cuisiner les insectes de différentes façons, sans que ce soit de la manipulation : des lardons ne ressemblent pas plus à un cochon que de la poudre de criquet ne ressemble à un criquet !
En Asie, il ne suffit que d’une génération pour avoir une perception complètement différente des insectes.
Où consomme-t-on le plus d’insectes : dans les zones rurales ou urbaines ?
Les insectes sont consommés surtout dans les zones rurales car la tradition y est la plus présente. Depuis longtemps, les insectes sont plus accessibles en dehors des villes, grâce à la proximité des forêts et au fait que les emplois sont limités ; les insectes ont donc toujours été une excellente source de revenu, facile et rentable.
Pourtant, la commercialisation des insectes est un phénomène nouveau et qui s’intensifie, ce qui permet une augmentation de la consommation d’insectes dans les villes.
Pensez-vous que la consommation humaine d’insectes va augmenter ou décroitre dans le futur ?
Elle devrait décroitre à cause de l’influence occidentale, car l’occident perçoit l’entomophagie comme un régime ringard, barbare ; les gens en ont même honte et se disent qu’ils devraient manger comme dans les films ! Les Asiatiques étudient de plus en plus en Europe et en Amérique du Nord, ou dans des systèmes scolaires occidentaux, donc ils prennent l’habitude de se nourrir de la même manière. De plus, l’urbanisation est un facteur important : ce n’est pas facile d’amener des insectes dans les villes, donc la pratique s’est perdue.
En même temps, elle aurait plusieurs raisons d’augmenter. Les transports et les systèmes de chambres froides ont énormément évolué par rapport à il y a 20 ans. Si le monde était plus sensibilisé à l’environnement, les insectes pourraient apparaitre comme une solution à beaucoup de gens. L’élevage bovin est le pire élevage, pour l’environnement, pour l’efficacité énergétique, pour l’espace, pour l’eau… Si une crise alimentaire se déclarait, plusieurs solutions devraient être envisagées, et l’entomophagie pourrait se faire une place importante dans la consommation mondiale de protéines animales. De plus, l’idée que les insectes pourraient être une solution majeure à l’un des plus gros problèmes du monde est très récente et a encore beaucoup de chemin à parcourir. Heureusement, les gens et les médias commencent à s’y intéresser, et nous faisons très attention à ce que les médias transmettent une bonne opinion des insectes, afin qu’ils relaient positivement le message.
Les insectes ne peuvent pas nourrir le monde, ils peuvent y contribuer, mais on ne mangera jamais que des insectes. Et il existe plusieurs solutions à l’alimentation du monde. Les besoins alimentaires devraient augmenter de 60 à 70% en 2050, et les insectes permettraient de ne pas détruire plus de forêts !
« Il suffit d’être ouvert et d’avoir un peu de sens de l’aventure »
« Des lardons ne ressemblent pas plus à un cochon que de la poudre de grillon ne ressemble à un grillon ! »
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