ToutMa ToutMa n°57 - Décembre 2019 / Janvier 2020 | Page 44
histoire
NOTRE VILLE
TEXTE _Romain BONY-CISTERNES
B A L A D E PA G N O L E S Q U E
au cœur de Marseille
Rares sont les enfants du pays qui ne considèrent pas les fameuses adaptations cinématogra-
phiques des œuvres de Pagnol, La Gloire de mon père et Le Château de ma mère, comme
des madeleines de Proust. Souvenez-vous de la magistrale ouverture du premier opus : vue
éclatante sur le Garlaban, cigales, et bande originale composée par Vladimir Cosma... de
quoi vous prendre aux tripes. Pagnol lui-même disait : « À Marseille, je suis toujours enfant,
à Paris, je suis vieux... » C’est pourquoi nous proposons aux nostalgiques de leur enfance
(et aux autres, bien sûr) de nous suivre dans une balade pagnolesque au cœur de la cité
phocéenne. Car la ville regorge de lieux emblématiques liés de près ou de loin à la vie ou à
l’œuvre de Pagnol. Des lieux souvent oubliés, désormais affectés à un tout autre usage, que
nous vous proposons de (re)découvrir, sous un angle qui vous surprendra peut-être.
C’est encore vrai aujourd’hui. D’ailleurs ses environs ont toujours constitué pour Pagnol
un lieu où il faisait bon se ressourcer. Bien des années plus tard, il loua la villa Pascaline, où
il se mettait en retrait de la vie parisienne, pour écrire. C’est aussi là qu’il repose désor-
mais, enterré au cimetière de la Treille (11 e arrondissement) aux côtés de sa mère, de sa
fille, et d’autres membres de la famille.
L’itinéraire d’un enfant surdoué
C
hez les Pagnol, on ne badinait pas avec l’école. Fier instituteur de la III e République,
Joseph Pagnol connut une carrière marquée par l’itinérance, au gré d’affectations
et de mutations diverses. Aussi l’œuvre de Marcel Pagnol témoigne-t-elle de l’empreinte
profonde laissée par ses premières années d’enfance. Dès 1897, la famille s’établit dans le
logement de fonction de la petite école communale du quartier de Saint-Loup (10 e arron-
dissement). C’est là que Joseph eut un jour la surprise de constater que son fils de trois
ans savait couramment lire, une scène mémorable de La Gloire de mon père. Fierté pour le
père, inquiétude pour la mère, Marcel Pagnol fut, dès lors, écarté autant que possible des
salles de classe, avant d’avoir atteint l’âge requis. À l’orée du xx e siècle, la famille quitta ce
quartier des faubourgs de Marseille (encore très campagnards à l’époque) pour rejoindre
le centre-ville. Un nouveau siècle pour un nouveau départ : la famille prend ses quartiers
aux Chartreux, alors que Joseph devient instituteur titulaire à l’école du quartier. Là,
Marcel passa la plus grande partie de son enfance, entre le 54 de l’avenue des Chartreux
(une plaque commémorative orne aujourd’hui le numéro 56) et quelques rues adjacentes :
rue du Jardin des Plantes, rue Terrusse. Ce n’est qu’en 1905 qu’il intégra le célèbre et
prestigieux Lycée Thiers (1 er arrondissement), reçu second à l’examen des Bourses, évé-
nement qui marqua son entrée dans l’adolescence.
Les studios de production,
rue Jean Mermoz
P
agnol connut, suite à ses brillantes
études, un destin d’écrivain et de
cinéaste de renom. Associé, à ce titre,
aux studios américains de la Paramount,
il décida pourtant, en 1933, suite à un
différend, de voler de ses propres ailes
en créant sa propre maison de produc-
tion. Sans surprise, c’est Marseille, et en
particulier la rue Jean Mermoz (au cœur
du 8 e arrondissement), qu’il choisit pour
s’établir. En 1934, les Films Marcel Pa-
gnol virent le jour. Le petit laboratoire,
d’abord installé, en 1935, dans le studio
du cinéaste impasse des Peupliers (8 e
arrondissement), se révéla rapidement
insuffisant. Pagnol acquit alors un vaste
ensemble situé au 111 rue Jean Mermoz,
Marcel Pagnol sur le tournage de sa trilogie marseillaise
composé d’une maison avec cour et dé-
pendance, ainsi que de trois immenses
hangars désaffectés, qui devinrent bientôt
deux plateaux de tournage complète-
ment équipés : lieux de tournage, loges,
ateliers de fabrication de décors... diffi-
cile de l’imaginer lorsqu’on se promène,
aujourd’hui, dans cette rue paisible et
cossue des beaux quartiers de Marseille.
C’est là que fut notamment tourné La
Fille du puisatier. Mais, en 1942, les Alle-
mands prirent le contrôle de la zone libre.
Tournage de Marius au Bar de la Marine
Pagnol, qui se refusait à voir ses bâtiments
réquisitionnés par l’occupant (le siège de la Gestapo était installé non loin de là, au 425
rue Paradis), décida de vendre ses studios, la mort dans l’âme, prétextant une maladie qui
lui évitait d’avoir à céder aux pressions allemandes. Les autorités nazies souhaitaient, en
effet, effectuer des tournages dans les locaux de la rue Jean Mermoz. Ces studios, repris
La Bastide Neuve,
au cœur des collines
À
La Bastide Neuve à La Treille
La tombe de la famille Pagnol à La Treille
Décembre 2019 / Janvier 2020 _TM n°57
partir de 1904, la santé fragile d’Au-
gustine, la mère de Marcel Pagnol,
conduisit Joseph à éloigner la famille du
centre-ville et à lui offrir un lieu de va-
cances qui sentait bon les collines, dans
ce lieu paradisiaque « juste au bord d’un
désert qui va d’Aubagne jusqu’à Aix », et
où résonnent encore, entre deux chants
assourdissants de cigales, les cris de Marcel
et Lili des Bellons. La Bastide Neuve était
toute trouvée. Située à la sortie du village
de la Treille en direction de celui des Bel-
lons (deux quartiers du 11 e arrondisse-
ment), la Bastide fait aujourd’hui partie
de la commune d’Allauch. Bien que lais-
sée à l’abandon, elle existe encore, et le
quartier n’a pas tant changé. À l’époque,
cette maison sommaire et peu commode
(pas d’électricité ni d’eau courante) fai-
sait figure de maison de campagne isolée.
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