Test Drive Afrik TANDEM Magazine | Page 11

www . afriktandem-medias . com riposte militante versus fermeté de l ’ etat !
Accueillies par les autorités publiques en « bons et loyaux » investisseurs privés étrangers , soucieuses de la sécurité alimentaire et du développement agricole du pays d ’ accueil , perçues davantage par les organisations paysannes ( OP ) comme des « prédateurs fonciers », une chose est certaine , sous tous les cieux où elles ont acquis des concessions , ces firmes agricoles n ’ ont jamais fait l ’ unanimité ! À tort ou à raison , elles sont accusées de mettre en péril l ’ avenir des petits producteurs et l ’ agriculture familiale , d ’ exploiter les paysans sur leurs propres terres ou de provoquer des dégâts écologiques irréversibles sur le pastoralisme , notamment le couvert végétal et les terres de pâturage . Bref , la liste de leurs supposés méfaits est longue . Et en Mauritanie la riposte ne s ’ est pas fait attendre … Ailleurs , au Sénégal ( principalement dans la région de Saint-Louis , située sur la rive gauche de la Vallée du fleuve ), cette riposte a été portée par de puissantes organisations paysannes , des leaders paysans ou des conseillers municipaux emblématiques de l ’ opposition , qui n ’ ont rien lâché et ont réussi parfois à faire reculer les Autorités publiques . En Mauritanie , en l ’ absence d ’ un réseau d ’ organisations rurales paysannes fortement structurées , fédérées , « autonomes » vis-à-vis de l ’ État , et capables de parler d ’ une seule voix , porter et faire entendre haut et fort la voix des agriculteurs … la riposte est plutôt conduite par « IRA », une ONG , non-reconnue , de militants anti-esclavagistes , qui a organisé , en novembre 2014 , à Rosso , une marche pacifique contre l ’ « esclavage foncier », selon ses membres , pour dénoncer l ’ accaparement des terres dans la Vallée et demander leur redistribution équitable . Un collectif d ’ une dizaine d ’ ONG de défense des droits humains regroupées au sein du Forum National des Droits Humains ( Fonadh ) et des partis ou mouvements politiques légalement reconnus ou non ( FNDU , FPC , Arc-en ciel …) ont pris le relai . Et la réponse très ferme du gouvernement à ces revendications a été l ’ arrestation , le jugement et l ’ emprisonnement en janvier 2015 du leader de l ’ IRA à deux ans de prison pour « appartenance à une organisation non reconnue , rassemblement non autorisé , violence contre la force publique , appel à la haine … ». Le leader anti-esclavagiste a été libéré en mai dernier . Loin de régler définitivement le problème autour du foncier en Mauritanie , la surenchère militante et politico-politicienne n ’ a fait alors que prendre le dessus sur un problème récurrent de revalorisation et de redynamisation du secteur agricole mauritanien , peut-être « mal communiqué » « mal expliqué » aux paysans , et qui ne peut par conséquent qu ’ être « mal vu » et « mal accueilli » par ces derniers .
un moratoire sur le foncier

En juin dernier , lors d ’ un atelier national de présentation de l ’ argumentaire pour un moratoire accordant une suspension des actes rétributifs des terres rurales dans la Vallée du fleuve , organisé par le FONADH , des organisations de la société civile regroupées au sein cette plateforme ainsi que des personnalités politiques et religieuses ont demandé à l ’ État mauritanien la suspension pour 5 ans de « toute location ou cession des terres dans les zones rurales à des fins d ’ investissement agricole ». Un acte fort qui signe peut-être le début d ’ une nouvelle tentative de dialogue . m . fofana afrik tanDeM Magazine n ° 01 • septembre 2016 actualité

1 qUESTIONS à ... SArr mAmADOU PrÉSIDENT DU fONADh

l ’ AGrOBUSINESS EST-Il AUjOUrD ’ hUI UNE mE- NACE OU UNE OPPOrTUNITÉ DE rElANCEr lE SEC- TEUr AGrICOlE EN mAUrITANIE ?

le foncier constitue aujourd ’ hui un enjeu incontestable dans le processus de développement . Mais il y a toujours des conflits entre la gestion foncière et coutumière et la gestion étatique du fait de l ’ occultation ou ignorance des variables pastorale , environnementale et socioculturelle qui , privent les usagers traditionnels de leurs droits économiques et sociaux séculaires .

L ’ agrobusiness constitue aujourd ’ hui une véritable menace pour l ’ agriculture familiale . Cette politique d ’ accaparement des terres qui prive les populations de leurs moyens de substance est un véritable danger .
Il faut signaler que les populations paysannes ne sont pas opposées aux aménagements hydro agricoles , mais elles exigent à juste raison , leur implication dans le processus , en tant que propriétaires légitimes , elles ont des droits sur leurs terres .
L ’ agrobusiness peut constituer également une opportunité dans la mesure où les investisseurs étrangers qui viennent chercher les terres , se focalisent sur la production répondant aux besoins immédiats des populations et non ceux des intérêts extérieurs uniquement . Cela nécessite l ’ implication de tous les acteurs concernés par la question . Actuellement ce sont seulement les autorités qui négocient avec les investisseurs dans une totale opacité .
Comme vous le savez , l ’ agrobusiness privilégie la culture de rente destinée principalement à l ’ exportation , alors que le contexte actuel est marqué par un déficit alimentaire chronique des populations locales . Cela suppose qu ’ elle s ’ oriente dans la production vivrière en vue de la satisfaction du marché local et national ; en effet , la seule production des paysans , de petits exploitants , ne suffira pas à combler la demande et les besoins de la population . L ’ agrobusiness devrait donc opérer dans une cohabitation qui favorise les petites exploitations familiales .
Propos recueillis par Dianifaba
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