La défaite ottomane n’a fait que confirmer la suprématie coloniale de la France et de la Grande-Bretagne sur la scène proche-orientale. Jusqu’alors présentes par leurs investissements économiques et leurs œuvres éducatives, les deux puissances sont passées, après l’effondrement de l’empire, à une occupation directe de certaines régions. Conformément aux accords Sykes-Picot de 1916, elles se sont partagées les provinces arabes de l’empire et la Cilicie, la zone française comprenant la Syrie, le Liban et la Cilicie, la britannique englobant la Palestine, l’Irak et la Jordanie.
En principe, ces nouveaux territoires conquis auraient dû être gérés dans le cadre du système administratif des mandats et sous l’arbitrage de la Société des Nations, les puissances mandataires étant censées promouvoir l’indépendance des états mandatés. On imagine toutefois que pour la France et la Grande-Bretagne, cette définition n’était qu’un paravent officiel leur assurant une occupation directe et indéterminée dans le temps, une extension de leurs empires coloniaux. L’alliance franco-britannique n’a cependant pas survécu aux années d’après-guerre. Les enjeux stratégiques régionaux étaient si considérables que leur traditionnel affrontement devait inévitablement rejaillir sur le terrain et mettre un terme définitif à leur alliance.
Mais l’effondrement de l’ordre politique ottoman a également fait émerger deux éléments locaux de taille : les nationalismes arabe et turc. Devant les perspectives de démembrement du territoire impérial, ces deux forces se sont activées pour instaurer à leur profit un nouvel ordre régional.
Les réfugiés arméniens dans le nouveau monde proche-oriental en formation
Mihran Damadian (1864-1945), natif de Constantinople, fedaï hentchakiste au Sassoun en 1894, homme de lettres, parmi les fondateurs du parti Ramgavar, un des principaux leaders des Arméniens de Cilicie, de 1919 à 1921 (Arch. B. Nubar/ Paris).