Nous n’avons pas trouvé de documents probants sur cette question, mais les premières négociations du catholicos Kévork V avec le vice-roi du Caucase, Vorontsov-Dashkov, en octobre 1912, semblent indiquer que la FRA a dû, vers cette époque, trouver un terrain d’entente avec les Russes. Il est possible, sinon probable que des hauts fonctionnaires arméniens de Pétersbourg sont intervenus dans cette affaire. On observe en tout cas que deux éminentes personnalités de Saint-Pétersbourg, le professeur Nicolas Adontz (1871-1942) et l’avocat Sirakan Tigranian, sont présentes à Istanbul les 21 et 22 décembre 191246, et reçues le jour même de la création par la Chambre arménienne de la Commission de Sécurité, chargée de gérer le dossier des réformes.
Le 21 décembre, une réunion « historique » de la Chambre arménienne se tient en effet, à hui clos, dans le cénacle de Galata. Le Conseil politique, formé de Stepan Karayan47, juge à la Cour de cassation, des Hentchakistes Mourad Boyadjian et Nersès Zakarian48, des Dachnakistes Dr Garabèd Pachayan49 et Vahan Papazian, des « centristes » Diran Erganian50, Lévon Demirdjibachian51, Oskan Mardikian52 et le Dr Sarkis Souin53, présente son projet de mise en œuvre des réformes dans les provinces arméniennes54. C’est à Krikor Zohrab, dont on a évoqué le rôle dans le plan de relance de la question arménienne, que revient le soin d’exposer les motifs de la démarche engagée par le Conseil politique. La proposition est votée à l’unanimité, par toutes les tendances de l’Assemblée arménienne qui conviennent qu’il n’y a plus d’autre choix que de prendre des dispositions radicales pour « mettre fin une fois pour toutes aux risques de massacres généralisés dont toutes les informations dignes de foi arrivées ces derniers temps témoignent »55.
Pour gérer ce dossier, l’Assemblée décide de la formation d’une Commission consultative composée de cinq membres qui travaillera en étroite collaboration avec le Conseil politique : de la FRA Haroutiun Chahriguian, des Ramgavar Vahan Tékéyian, du centre David Der Movsessian, du S.D. Hentchak B. Kalfayan, et Krikor Zohrab. Pour coordonner l’ensemble, le Conseil mixte — constitué par la réunion du Conseil politique et du Conseil religieux — forme enfin une Commission de Sécurité, avec pour président Mgr Eghiché Tourian, ancien patriarche, Krikor Balakian, Stepan Karayan, Oskan Mardikian, Lévon Demirdjibachian, Mourad Boyadjian et Vahan Papazian, comme membre et directeur exécutif56. ...
L’Union et les réformes en Turquie d’Asie (1912-1914)