pareille extrémité, et je n’ai pas la moindre expérience de ce genre de
choses. » (149) 1
La question d’un ordre des choses au sein même de relations hommes-
femmes devient donc irrésolue, fondée sur le mensonge et la
mascarade, attaquée par des formules chocs qui remettent chacun à
sa place, mais pas à celle idéalisée qu’a pu construire l’Œdipe : la
structure normative du mariage est en fait une tentative de policer un
individu à qui pourtant le langage échappe : « je dois me faire baptiser
immédiatement … je veux dire me marier immédiatement. Il n’y a pas
de temps à perdre. » (72) Le lapsus est drôle et, comme il est devenu
coutume de le dire, révélateur : il substitue dans l’ordre religion deux
sacrements, dans l’ordre social deux actes civils, et dans le désordre
amoureux l’identité et la supercherie. C’est cette tension qui explique
le sel des dialogues de la pièce, les propos des personnages se situant
entre élégance de la formule et l’immoralité du contenu. Shaw avait
donc tort d’en vouloir à Wilde de sa posture d’artiste défendant l’art
pour l’art et la beauté inutile, car celle-ci était aussi une réaction au
naturalisme qui croyait mettre à plat une réalité mais ignorait la part
d’insu qu’il pouvait lui-même véhiculer. L’accusation qui est faite à
Algernon de ne dire que des « sottises » ne fait que confirmer le
rapprochement qu’il faut établir entre Wilde et Freud. Ces traits
d’esprit qui parcourent le texte nous montrent comment Wilde connaît
sans le savoir le phénomène à l’œuvre par quoi le message perd de sa
valeur et la jouissance vient se loger dans un blabla énigmatique mais
dense, dont un sens peut être construit. Cette tension entre
l’affirmation de l’esprit et le nonsense supposé par Jack indique une
tension entre le moi et l’inconscient, le moi se situant du côté de
1
Voir aussi p.188.
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