certitude qu’ils veulent me parler d’autre chose, et cela me rend
terriblement nerveuse. » (68) Autrement dit, Gwendolen veut « regarder
ailleurs ». Le mot d’esprit là encore ne peut guère être analysé car il est
une manifestation inconsciente dans un cadre construit, celui de la
pièce. Ce qui est intéressant, c’est de voir justement comment Wilde en
joue afin de véhiculer un savoir sur ce processus qui lui permet de
déjouer les règles de la bienséance et des bonnes mœurs qui dictaient
à l’époque ce qui pouvait être montré sur scène. Freud explique en
effet que le trait d’esprit est une entorse à la censure :
« Le mot d’esprit va nous permettre d’exploiter les ridicules de
l’ennemi que nous ne pouvions licitement ni évoquer tout
haut ni mettre en avant de façon consciente parce que des
obstacles s’y opposaient, il va donc une fois de plus tourner
des limitations et ouvrir des sources de plaisir devenues
inaccessibles. (199) »
Les deux héros masculins de la pièce s’amusent des règles de la
bienséance, ce qui explique que Wilde ait pu être taxé d’immoralisme.
La tension sexuelle suggérée entre Chasuble et Prism fait écho aux
règles de la séduction qu’édicte Algernon avec le détachement cynique
propre aux Dandys, où les femmes sont réduites à des objets : « La
seule façon de se conduire avec une femme, c’est de lui faire la cour si
elle est jolie, et de faire la cour à une autre si elle ne l’est pas. » (85-86)
Une fois amoureux, Algernon comme Jack/ Ernest sont prêts à tout,
surtout à changer de noms, pour que la vérité ne se fasse jamais jour
sous la pression des femmes : « Il m’est très pénible d’être obligé de
dire la vérité. C’est la première fois de ma vie que j’en suis réduit à une
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