RUE DES BEAUX ARTS 71 n°71 | Page 10

je respecte davantage les gens qui me voient ou ceux qui m’ignorent [...] C’était vraiment trop lâche de la part d’Aubrey». Beardsley avait pourtant été parmi les rares amis d’Oscar à assister à la première de « Salomé « quand elle fut créée à Paris, au Théâtre de l’Œuvre, dans une mise en  scène d’Aurélien Lugné-Poë, le 11 février 1896, alors que Wilde était prisonnier. Beardsley y été allé avec le poète Ernest Dawson, lui aussi ami de Wilde, qui écrivit à Constance pour lui décrire l’enthousiasme de la salle 1 . Les relations de Wilde avec Beardsley n’ont jamais été simples, mais il y avait entre les deux hommes la reconnaissance réciproque du génie, une sorte de communauté d’esprit, et aussi, sans doute, un fond de réelle amitié. Beardsley était un jeune homme à la santé fragile. Depuis des années, il souffrait de tuberculose, et en avril 1897, après s’être converti au catholicisme (comme Wilde le fera sur son lit de mort), il partit pour la Riviéra Française dans l’espoir d’améliorer son état. Il mourut à Menton, à peine un an plus tard, le 16 mars 1898, veillé par sa mère et sa soeur, après avoir demandé que soient brûlés ses dessins les plus érotiques, mais ses dernières volontés ne seront pas respectées. Quand Wilde apprit sa mort, il écrivit à l’éditeur Smithers (qui avait publié «  La Ballade de la Geôle de Reading  »)  : « Il y a quelque chose de macabre et tragique dans le fait que celui qui ajouta une terreur nouvelle à la vie soit mort à l’âge d’une fleur ». Il ne lui restait lui-même qu’un peu plus de deux et demi à vivre. 1 Dowson – Letters, p.343 – in Richard Ellmann – Oscar Wilde – p.530 10