je respecte davantage les gens qui me voient ou ceux qui m’ignorent
[...] C’était vraiment trop lâche de la part d’Aubrey».
Beardsley avait pourtant été parmi les rares amis d’Oscar à assister
à la première de « Salomé « quand elle fut créée à Paris, au Théâtre
de l’Œuvre, dans une mise en scène d’Aurélien Lugné-Poë, le 11
février 1896, alors que Wilde était prisonnier. Beardsley y été allé
avec le poète Ernest Dawson, lui aussi ami de Wilde, qui écrivit à
Constance pour lui décrire l’enthousiasme de la salle 1 .
Les relations de Wilde avec Beardsley n’ont jamais été simples, mais
il y avait entre les deux hommes la reconnaissance réciproque du
génie, une sorte de communauté d’esprit, et aussi, sans doute, un
fond de réelle amitié.
Beardsley était un jeune homme à la santé fragile. Depuis des
années, il souffrait de tuberculose, et en avril 1897, après s’être
converti au catholicisme (comme Wilde le fera sur son lit de mort), il
partit pour la Riviéra Française dans l’espoir d’améliorer son état. Il
mourut à Menton, à peine un an plus tard, le 16 mars 1898, veillé
par sa mère et sa soeur, après avoir demandé que soient brûlés ses
dessins les plus érotiques, mais ses dernières volontés ne seront
pas respectées. Quand Wilde apprit sa mort, il écrivit à l’éditeur
Smithers (qui avait publié « La Ballade de la Geôle de Reading ») :
« Il y a quelque chose de macabre et tragique dans le fait que celui
qui ajouta une terreur nouvelle à la vie soit mort à l’âge d’une
fleur ».
Il ne lui restait lui-même qu’un peu plus de deux et demi à vivre.
1
Dowson – Letters, p.343 – in Richard Ellmann – Oscar Wilde – p.530
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