RUE DES BEAUX ARTS 70 n°70 | Page 29

Rue des Beaux-Arts n°70 – Janvier/Février/Mars 2020 1 – Genèse controversée d’un opéra C’est aux alentours de 1896, en réalité en 1895 suivant une lettre du compositeur 1 , que Mariotte découvre la pièce d’Oscar Wilde par le biais d’un ami alors qu’il est embarqué pour une campagne dans les mers de Chine. Rentré en France en 1896, le compositeur se rend alors à Paris en ayant toujours dans l’idée la conception d’un opéra sur Salomé. Jusqu’en 1902, date de sa nomination au Conservatoire de Lyon, Mariotte ne cesse de penser à son projet en écrivant « plusieurs petites compositions » qui « ne furent que des esquisses préparatoires à l’œuvre combinée 2  ». Il attendra en réalité d’être doté d’une meilleure situation et davantage d’expérience pour commencer réellement la composition de son opéra  en 1902, sans se soucier des ayants cause auxquels était alors soumise la pièce de Wilde 3 . Par la suite, Mariotte se défendra de cette omission en expliquant qu’il croyait avoir à faire à un “poème introuvable”. La pièce de Wilde, censurée en Angleterre, avait en effet été tirée à seulement quelques centaines d’exemplaires par la librairie d’Art indépendant 4 . Lorsqu’Antoine Mariotte, de retour à Paris en 1896, cherche un exemplaire de l’œuvre, il ne réussit pas à en trouver un seul et décide finalement d’établir son livret d’après un manuscrit copié pour lui par un fourrier de la marine. Pourtant, en 1903, un autre compositeur, Richard Strauss, avait, lui aussi, découvert la pièce et décida immédiatement d’en faire un opéra. À la sortie d’une représentation de la Salomé de Wilde au théâtre de 1 « L’idée de mon plan remonte à 1895. » MARIOTTE, Antoine, Lettre à Romain Rolland, 27 juin 1909, p. 1. 2 Ibid., p. 2. 3 « Il est vrai que j’ai commis – l’ai-je jamais nié ? – l’impardonnable faute de commencer ma Salomé sans m’être assuré la propriété du livret », Ibid., p. 3. 4 « In 1893, eight months after the British ban, six hundred copies of Salome were published in France, and one year later, five hundred copies of an English translation were published by John Lane in London. » BENTLEY, Toni, Sisters of Salome, Lincoln, University of Nebraska Press, 2005, p. 27-28. 29