Elle est frustrée, malheureuse, en colère. Contre elle-
même d’abord, qui n’a pas sue protéger son enfant
comme le font toutes les mères, au risque de l’étouffer
avec des phrases répétitives récitées comme des
consignes de sécurité ou des incantations éloignant le
mauvais sort.
Contre les assassins ensuite, qui vivent aux près de leurs
mères, eux qui ont bénéficié de la grâce présidentielle,
sont libres et respirent l’air frais au sein d’une société
qui l’a si longtemps opprimé de manière tacite en
l’a jugeant (Elle ; femme divorcée, élevant seule son
enfant, professeur de langue étrangère, ne portant pas
le voile, ne rentrant pas dans le moule...)
Et bien qu’à cela ne tienne ! Elle ne se préoccupera plus
de son image et ne cherchera plus à se conformer aux
regards étrangers, à quoi bon d’ailleurs. Elle se cloitre
alors dans son appartement, ne va plus au travail et
ne reçoit personne à part le meilleur ami de son fils «
Hakim » qui l’aide du mieux qu’il peut.
LE (DENI / MARCHANDAGE):
Pour aller mieux, car oui elle le décide enfin,
elle trace sur un cahier d’écolier un chemin qui la mène
jusqu’à l’absent :
« Je t’écris parce que j’ai décidé de vivre, de partager
avec toi chaque instant de ma vie » lui dit-elle.
Aida lui parle directement comme s’il était présent, pas
très loin et allait réellement recevoir ses mots. C’est
ainsi que chaque jour, elle s’attelle à cette tâche si
délicieusement folle, se complaisant peu à peu dans le
déni le plus total, lui racontant sa journée ; promenade
sur la plage pour ramasser des galets qui vont orner
la tombe, rencontre d’autres femmes miséreuses et
endeuillées et d’une certaine jeune demoiselle qu’elle
soupçonne d’être l’amoureuse de Nadir, se rapprocher
d’elle, la connaitre un peu mieux lui fait découvrir un
autre visage de son fils, aussi les visites assidues de
Hakim qui ressemble si étrangement au défunt ce qui
rajoute de l’ambigüité à son état de confusion, mais
plus particulièrement ,d’un plan de vengeance qu’elle
garde secret.
LA TRISTESSE :
Avec le temps elle découvre des choses sur la
vie de Nadir, elle apprend le nom de son meurtrier et
des détails sur les circonstances de sa mort ; il n’était
pas visé, mais Hakim, qui est le fils du commissaire,
ce qui renforce (par culpabilité) le dévouement de ce
dernier à la mère meurtrie.
Ceci ne change rien à son chagrin qui devient dépression,
elle quitte son travail et se retire de la vie sociale. Elle
essaye de trouver dans les livres, une explication ou
un remède, elle tente de puiser dans la musique, un
écho à son état mais rien n’y fait, tout lui rappelle le
défunt et ni la musique, ni la littérature, ni la religion,
ni la philosophie ne l’apaise, la maison est imprégnée
de souvenirs, même aux repas qui sont de plus en plus
frugaux, elle continue à dresser la table pour deux.
LA RESIGNATION :
Pas de compromis, pas de demi-mesure, pas de
solution autre que la fatalité, Nadir est mort !
Elle n’a donc plus rien à perdre, elle va se faire
justice elle-même. Et c’est ainsi que feignant de ne
plus se sentir en sécurité toute seule, qu’elle arrive,
à convaincre Hakim de non seulement lui obtenir un
pistolet mais aussi de l’emmener au commissariat pour
prendre des leçons de tire à fin d’apprendre à s’en servir
sous les regards amusés des agents qui observent cette
vieille dame frêle se munir timidement d’un révolver et
sursauter en tirant. Une fois les bases de l’utilisation
acquises et son arme à feu en poche, Aida et enfin prête
à en finir avec la souffrance une fois pour toute.
L’ACCEPTATION :
C’est surprenant comme des informations que
l’on n’est pas supposé obtenir, sont faciles à trouver
quand on vit dans une petite ville ou un village comme
Aida. Tout se sait, les nouvelle se propagent très vite
et c’est ainsi qu’une mère endeuillée arrive à trouver
l’adresse du meurtrier de son enfant pour nul autre but
que la vengeance. Car c’est bien cela que compte faire
notre protagoniste, voilà la solution qu’elle a trouvé
pour vaincre sa souffrance, œil pour œil dent pour
dent, ce n’est que justice après tout !
Le soleil tape fort, à ce moment de la journée et la
voilà qui affronte le meurtrier qui supplie cette vieille
femme de l’âge de sa mère, ignorant qui peut-elle bien
être, de ne pas tirer : « Ya M’ma, Ya yemma ! » mais
Hakim qui se doutant de quelque chose ou craignant
pour sa sécurité, l’avait suivis, il détourne l’arme et …
« Tu es tué, c’est moi qui l’ai tué. »
Conclusion :
Le livre prend l’allure d’un roman épistolaire, le corps
du récit étant la lettre de Aida à son fils, ici donc
l’écriture joue un double rôle : celui de communiquer
avec une autre personne à travers la dite lettre mais
aussi et surtout celui de thérapie, car par l’écriture,
notre protagoniste couche sur du papier les détails de
sa vie, son quotidien, se remet en question et exprime
sentiments, pensées, doutes et peurs, ceci nous éclaire
sur son état émotionnel et psychique car elle confie
aux lecteurs, toute la complexité des ressentis qui
accompagnent le processus laborieux de deuil.
Cependant, la fin tragique et énigmatique est loin du
dénuement saint et équilibré que doit avoir la guérison,
Aida choisit la vengeance à la réconciliation et cette
phrase à la fin : « Tu es tué, c’est moi qui l’ai tué. » nous
laisse perplexe, a-t-elle obtenu ce qu’elle voulait ou la
balle a-t-elle touché Hakim ? Et après tout, Cela veut-il
dire que cette mère a réellement fait son deuil ?
ReMed Magazine - Numéro 7/8
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