Littéra’ Tour
Désapprendre, mode d’ emploi a. Programme à un poids deux mesures Au niveau des établissements en « zone sensible », les objectifs de la Commission Thélot sont arrêtés comme suit: « les exigences définitives de l’ ensemble du cursus scolaire: lire, écrire, compter, maîtriser une langue et l’ outil informatique. » Aucune trace des matières de danger, l’ Histoire, la Géographie, la Littérature et les Arts. Des jeunes étrangers à l’ histoire, à l’ art et à la philosophie ingurgiteront à volonté tous les prêts-à-penser que leur offrent les outils d’ information de masse à haut débit. L’ histoire continue d’ être écouvillonnée partout où elle s’ accroche; les langues sont enseignées aujourd’ hui sans l’ étude de la civilisation à laquelle elles appartiennent, c’ est comme manger un fruit en ne sachant pas de quel arbre il provient ou pire encore, ignorant l’ existence même de l’ arbre!
b. L’ ennui L’ élève s’ ennuie en classe, c’ est une certitude. Les uns parce qu’ ils ont tout compris avant tout le monde, les autres parce qu’ ils ne sont pas captivés par l’ enseignement. Sauf que les parents savent que les enfants s’ ennuient encore plus à la maison, particulièrement le weekend. Penser alors que l’ ennui est la cause de l’ échec scolaire est une farce grotesque, songer à la résoudre par décret en est une autre. Une solution? L’ occuper! A quoi? Qu’ importe, rétorque le pédago. Il faut diminuer les heures de cours et l’ ouvrir au monde extérieur par des activités de: « Prévention routière, info SIDA, dangers du tabac, de l’ alcool, des sucreries. » Evidemment, tout ceci se fait en rongeant les horaires des matières dites dangereuses!
c. Orthographe « Dictée! » « En janvier 2005, l’ association Sauver les Lettres a fait refaire à 2 500 élèves de troisième une dictée donnée en 1988 au BEPC 6. Les résultats sont éloquents: 56 % des élèves, avec des critères de notation inchangés, obtenaient zéro. » La dictée sert moins l’ orthographe que la gestion du stress, ce n’ est pas pour rien que l’ annonce « dictée » terrorise les élèves. Par contre, il est fortement déconseillé, de nos jours par les nouveaux pédagogues, d’ heurter la sensibilité des petits « anges ». De plus, l’ orthographe est désormais considérée comme concept dépassé, quand les logiciels de correction nous dispensent de faire des efforts. Résultat, les élèves adoptent un langage Schtroumpf « C’ est géant / nul »: voilà deux adjectifs passe-partout, qui suppriment toute nuance permettant de donner de la précision à sa pensée.
d. Baisse de niveau et manuels scolaires Le niveau baisse en cherchant à produire des livres légers par le coût et par le savoir qu’ ils contiennent, afin de s’ adapter à la fois au marché et au niveau de l’ élève, car selon toute apparence, le niveau de l’ élève est devenu un constat et non un objectif à atteindre. « Travaillant, il y a quelques années, sur un manuel de sixième, je me suis vu demander par l’ éditrice, à dix jours de l’ impression, de supprimer deux chapitres, l’ équivalent de ce que l’ on appelle dans le jargon deux « cahiers », soit deux fois 32 pages. C’ était autant de papier en moins à payer. » Aussi, chaque manuel considère comme acquises toutes les notions du manuel du niveau précédant, alors que tout est fait pour que l’ apprenant ne les assimile pas.
e. Rhétorique L’ extension de l’ étude des discours et de la rhétorique a rendu les élèves pareils à des androïdes, interagissant de manière automatique et technique avec le texte; aucune appréhension contextuelle, socio-historique, ni considération du Zeitgeist ayant mené à la production d’ un papier, d’ une pensée dans une époque plutôt qu’ une autre. La vision saltatoire de la grenouille remplace la vision panoramique de l’ aigle. C’ est comme une publicité; le produit se prépare la veille par le voisin d’ à côté et la forme et l’ image tiennent lieu de fond. Or, le travail éducatif doit créer des liens, une cohérence une HISTOIRE parmi le savoir dispensé tout au long du cursus. La connaissance aujourd’ hui est hétérogène, disparate, incohérente à cause du « zapping institutionnalisé ».
De la violence en milieu scolaire et alentour Sa conception classique est la suivante: « La violence des jeunes serait le reflet de la violence sociale: chômage, dysfonctionnements familiaux, ghettoïsation. À cela s’ ajouterait le phénomène d’ imitation, reproduction dans les faits de la violence figurée et d’ incriminer pêle-mêle la violence télévisuelle et les jeux vidéo. » En réalité, voici la vraie violence: « il y a une douzaine d’ années, des ministres de l’ Éducation à qui le mot d’ ordre, lancé jadis par Chevènement, de‘‘ 80 % d’ une classe d’ âge au Bac’’ charmait l’ oreille, ont commencé à donner des ordres précis aux recteurs et aux inspecteurs d’ académie, toute cette hiérarchie non enseignante qui est chargée de nous apprendre notre métier. » Les parents doivent connaitre le secret de polichinelle de l’ Education Nationale: « Si on laissait les correcteurs libres de sanctionner en leur âme et conscience, il( pourcentage de réussite au BAC) tomberait probablement à 20 %, ce qu’ il était dans les années 60. » Et les élèves ne sont pas idiots, ils savent qu’ ils sont soudoyés. Par voie de conséquence, les banques aujourd’ hui recrutent des étudiants au niveau de licence, alors qu’ il y a vingt ans, le recrutement se faisait au niveau BAC. Non, ce n’ est pas la Banque qui a besoin de nouvelles compétences mais plutôt c’ est le bachelier d’ autre fois qui a le même niveau que le licencié actuel. Il existe cependant un autre type de violence. L’ école produit un élève sans mémoire avec la croyance que la technologie c’ est le futur, alors que le futur c’ est chaque jour; ce qu’ il apprend
36 Hiver 2018