ReMed 2018 ReMed Magazine N°4 - Cutting Edge | Page 32

Brèves

La Médecine de Demain

Sarah LAMARA-MOHAMMED
Depuis la nuit des temps , le génie humain n ’ a cessé d ’ inventer et de se réinventer . La science a accompli des pas de géant nous projetant chaque jour vers un futur qui aurait relevé de la science-fiction quelques siècles plus tôt . Etant donné l ’ essor fulgurant de la technologie et ses applications sanitaires infinies , le domaine médical n ’ est donc pas en reste . Après l ’ avènement de la pénicilline , de la vaccination et de l ’ imagerie , il connait , aujourd ’ hui encore , des avancées prodigieuses . Et tandis que 2018 s ’ annonce tout aussi prometteur , voici une rétrospective des prouesses scientifiques les plus remarquables ayant jalonné ces dernières années .
Un cœur aux épinards :

On se méprendrait aisément à croire qu ’ il s ’ agit là du nom d ’ un plat extrait d ’ un menu gastronomique alors que c ’ est l ’ objet d ’ une étude publiée dans la revue Biomaterials . En effet , des scientifiques du Worcester Polytechnic Institute au Massachusetts seraient parvenus à élaborer des cardiomyocytes à partir de feuilles d ’ épinard préalablement traitées par un détergent . Cette dernière étape aurait pour but de dissoudre les cellules végétales et de conserver une charpente de cellulose . « La cellulose est biocompatible et a été utilisée dans une variété de procédés de médecine régénérative , tels que la conception de tissu cartilagineux , osseux et de guérison de plaies » a-t-on rapporté dans le compte rendu de l ’ expérience . Par la suite , la structure végétale résiduelle a été mise au contact de cellules humaines vivantes qui se sont développées au sein de l ’ échafaudage de cellulose . Dans un second temps , du sang a été perfusé à travers le réseau de ramifications qui irriguait initialement les cellules végétales . Même si jusqu ’ alors , d ’ autres chercheurs avaient réussi à reproduire des tissus à partir d ’ imprimantes 3D mais ils se heurtaient toujours au même obstacle : la vascularisation . Le fait est qu ’ ils demeuraient dans l ’ incapacité de créer les vaisseaux fins et délicats nécessaires à la survie de l ’ organe . Joshua Gershlak , un diplômé du Worcester Polytechnic Institute au Massachusetts en ingéniorat biomédical ainsi que le co-directeur de cette étude déclare : « le principal facteur limitant la mise au point de tissus est l ’ absence de réseau vasculaire … Quand j ’ ai vu la feuille d ’ épinard , sa racine m ’ a rappelé l ’ aorte … » . Grâce à cet exploit , les patients souffrant de crises cardiaques pourraient éventuellement bénéficier d ’ une substitution du tissu endommagé . Outre les épinards , le même principe pourrait être généralisé à d ’ autres plantes en vue de régénérer une myriade d ’ organes . Avis aux végétariens et aux nostalgiques de Popeye !

La cure aux AVC … dans un venin d ’ araignée ?

Et si le remède aux AVC se dissimulait dans la redoutable faune australienne ? C ’ est l ’ interrogation à laquelle des scientifiques ont tenté de répondre et leur trouvaille est sidérante : La cure aux AVC , deuxième cause de décès dans le monde , serait détenue ironiquement par une araignée tout aussi mortelle : Hadronyche infensa . Il s ’ agit d ’ une araignée à toile en entonnoir dont le venin ferait trépasser sa victime en 15 minutes . Par ailleurs , chaque 5 secondes , quelqu ’ un meurt d ’ un AVC . Selon une étude publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences , une protéine baptisée Hi1a aurait des propriétés neuro-protectrices contre les dommages cérébraux considérés jusqu ’ alors irréversibles . La découverte de cette molécule revient à des chercheurs à l ’ université de Queensland et Monash qui l ’ ont obtenue à partir du séquençage de l ’ ADN des toxines constitutives du venin . Elle attira leur attention car sa structure représentait la jonction de deux copies d ’ une autre substance reconnue pour ses vertus neuro-salvatrices « la Psalmotoxin ( PcTx1 ) ». Par la suite , Hi1a a été synthétisé artificiellement puis injecté à des souris chez qui on avait préalablement induit un AVC . Et les résultats dépassèrent leurs espérances , ce composé s ’ avéra beaucoup plus efficient que son analogue psalmotoxin . Les lésions étaient amoindries à 80 % si la substance était administrée dans les deux heures suivantes , et jusqu ’ à 65 % si la dose était reçue 8h après l ’ AVC . Les souris bénéficiaires du traitement avaient regagné presque toutes leurs fonctions aux épreuves neurologiques et motrices comparativement aux rats témoins . D ’ un point de vue physiopathologique , Hi1a agirait au niveau des canaux ioniques sensibles à l ’ acidité résultant du métabolisme anaérobie , consécutif à l ’ anoxie cérébrale . Ce changement de PH serait partiellement incriminé dans les lésions occasionnées par l ’ AVC . Bien que les résultats étaient probants sur les souris en cas d ’ AVC ischémique mais l ’ efficacité de Hi1a reste encore à prouver sur les humains et lors d ’ AVC hémorragiques . Affaire à suivre donc !

32 Hiver 2018