A la Quête de l’Immortalité
Pourrions-nous un jour devenir immortels ?
Meriem BAHMED
« La vie est un flambeau toujours prêt à s’éteindre. » Auteur inconnu.
Introduction
S
‘il y a bien quelque chose qui préoccupe l’homme
et le tourmente sans cesse, c’est bien l’idée de la
mort. Que ce soit d’un point de vue philosophique
ou biologique, la mort est mystérieuse et source d’an-
goisse. Ell e est ce d’où personne n’est jamais revenu,
elle est le terme de l’existence corporelle et de la vie
telle que la science dans sa grande humilité nous la
dévoile. La mort est donc par définition une question
non résolue dans la mesure où elle est horizon de
néant. L’homme sait qu’il doit mourir un jour, mais
ignorant le jour et l’heure de ce rendez-vous, il se met
à la craindre : « Mors certa, hora incerta ». Les psycho-
logues ont divisé la peur de la mort en plusieurs caté-
gories, dont la peur de souffrir, la peur de l’inconnu, la
peur de perdre des êtres aimés et la peur des consé-
quences possibles de son décès pour les vivants.
En parallèle, l’homme apprend la vie, découvre les
joies de l’amour, s’investit afin de s’accomplir, goûte
au plaisir et à la jouissance, et se met à la quête du
bonheur. Et c’est là qu’il se met à désirer la vie. Mais à
désirer la vie, ne désire-t-il pas l’immortalité ?
Le désir de vie
Peut-on expliquer le désir humain de la vie par un
simple désir de conservation ? La survie de l’espèce
humaine est largement assurée, et pourtant l’homme
ne cesse pas moins de convoiter la vie. C’est la grande
idée de Nietzsche : « Vouloir se conserver soi-même
est l’expression d’une situation de détresse, d’une res-
triction de la véritable pulsion fondamentale de la vie,
qui tend à l’expansion de puissance et assez souvent,
dans cette volonté, elle remet en cause et sacrifie la
conservation de soi. » (1)
« Un être vivant veut avant tout déployer sa force. La
vie même est volonté de puissance, et l’instinct de
conservation n’en est qu’une conséquence indirecte et
des plus fréquentes. » (2)
Par le désir de conservation, Nietzsche reproduit la
volonté de puissance qui porte en lui un élan créa-
teur, qui doit être insatiable et qui doit déborder de
ses propres limites. Nietzsche conclut que nier le désir,
c’est nier la volonté de puissance qui caractérise la vie,
et condamne toutes les morales de répression des
désirs, en particulier la morale religieuse. Dans Cré-
puscule des idoles, il dit : « Elle ne demande jamais.
Comment peut-on spiritualiser, embellir, diviniser un
appétit ? De tout temps dans sa discipline, elle a mis
l’accent sur l’extirpation. Mais attaquer le désir à sa ra-
cine revient à attaquer l’essence de la vie à la racine. »
Nietzsche n’ignore pas la bêtise de certains désirs,
mais extirper certains désirs à cause de leur bêtise
intrinsèque ou pour éviter une fâcheuse conséquence
est une forme de bêtise en soi.
Poussons l’idée encore plus loin. Si notre désir de
vivre et d’exister est le désir cardinal, alors cela signi-
fie que nous souhaitons la vie éternelle. On retrouve
cette idée chez Platon :
« Pour un être mortel, la génération équivaut à la per-
pétuation dans l’existence, c’est-à-dire à l’immortalité.
Or le désir d’immortalité accompagne nécessairement
celui du bien, d’après ce que nous sommes convenus,
s’il est vrai que l’amour a pour objet la possession
éternelle du bien. De cette argumentation, il ressort
que l’amour a nécessairement pour objet aussi l’im-
mortalité. » (3)
Selon Platon, l’homme court après l’ambition de l’im-
mortalité à travers la recherche d’une renommée ou
d’une gloire impérissable qui feront de lui cet être
immortel. Cette soif de « vie éternelle » peut être re-
cherchée également à travers la procréation, c’est-à-
dire en donnant la vie à des êtres qui assureront son
immortalité, ou à travers des œuvres impérissables.
Toujours dans le même sens, Ferdinand Alquié, « Le
Désir d’éternité », conforte Platon dans son raisonne-
ment, comme en témoigne la présente citation « Toute
conscience humaine désire l’éternité. »
On retrouve également cette idée chez Nietzsche :
« Mais tout plaisir veut l’éternité, veut la profonde, pro-
fonde éternité ! »
Le désir faisant partie de l’essence de l’homme, vouloir
le détruire est absurde, car c’est vouloir détruire la vie,
comme l’a justement fait remarquer Nietzche. A quoi
ressemblerait un être sans désir ?
Rousseau écrivait « malheur à qui n’a plus rien à dési-
rer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède » (La
nouvelle Héloïse). Le désir n’est donc pas à réduire à
la simple quête de la chose désirée, c’est la vie qui
ReMed Magazine - Numéro 4
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