Littéra’ Tour
rection reposait sur une dualité de guérilla mobile et furtive, appuyée par la force populaire.
Victoire éclatante numide et humiliation romaine Dogme: Chez les romains, il est strictement interdit de se rendre devant un ennemi, à moins d’ en recevoir l’ ordre du commandant. Commandé par le général Décrius, un fort stratégique romain a dû soutenir un long siège asphyxiant face aux Numides. Lors d’ un moment crucial, le général était sorti au combat mais ses soldats ont fui face aux flèches pluviales des Musulames et leur abnégation exemplaire. L’ humiliation était telle, que le nouveau proconsul Appornius avait ordonné de tuer tous les soldats survivants pour avoir déshonoré Rome par leur lâcheté. Il s’ est également vengé en décimant des villages entiers n’ épargnant ni femmes ni enfants ni vieillards. Grâce à des troupes élastiques, Tacfarinas répliquait par des attaques continues et disséminées sur toute la région « Il prenait la fuite quand on le talonnait, pour revenir très vite à la charge, se jouant ainsi des romains qui se fatiguaient inutilement à le poursuivre ».
Premier Document Officiel de l’ Algérie Le génie de Tacfarinas résidait en ce fait qu’ il réussit à rallier tout le monde au combat, malgré les survivances des instincts tribaux, autour d’ idées embryonnaires sur l’ Unité Nationale:
Ecris! reprit Tacfarinas: Peuple de Numidie, tes
“ enfants te parlent. Debout pour défendre ton territoire. Lève-toi! Les Romains nous pillent et nous exploitent. Debout pour reprendre les terres de nos aïeux. Vous tous qui préférez la liberté à l’ esclavage, debout”. Estampé sur les cœurs et répété en chœurs dans tous les villages, Tacfarinas a transcrit sur papyrus le premier document officiel des prémisses de l’ Algérie.
Un Peuple, une Patrie, un Idéal: Liberté Répondant à l’ appel patriotique de Tacfarinas, des représentants numides ont rendu visite à l’ empereur Tibère, qui pensait que leur venue était mue par un désir de capitulation. Cependant, les valeureux combattants au visage brun et à la barbe ténébreuse, nullement impressionnés par le faste du palais, firent torse bombé: « Au nom du peuple numide. Nous voulons des terres. Les terres qu’ on nous a enlevées pour en faire des latifundia 3 ou pour les donner aux colons. Nous voulons l’ affranchissement de tous les Numides réduits à l’ esclavage et la liberté pour tous. A cette condition nous sommes prêts à déposer les armes […]. Sinon … Nous lutterons de toutes nos forces jusqu’ à l’ extermination du dernier soldat étranger. Et si
nous n’ y parvenons pas nos fils y parviendront pour nous. Et si nos fils n’ y parviennent pas nos petits-fils y parviendront pour eux. »
Ecorché dans son orgueil, Tibère ordonna de les arrêter! Pour quel motif? Offense en la personne de l’ Empereur( ce que permettait la loi romaine). Dès lors qu’ il nomma Blésus comme proconsul, Tibère s’ écria: « Il me faut cet homme, mort ou vif! » En Afrique, les soldats de Blésus furent dans une insécurité permanente matin et soir redoutant les assauts de braves paysans, menés par un redoutable guerrier et un fin stratège. « J’ offre un million de sesterces à qui me ramènera sa tête! » annonça Blésus. Un million! Somme qu’ offrait Crassus autrefois pour la tête de Spartacus.
Ainsi, Rome avoue manifestement son impuissance; devant l’ impossibilité de soumettre militairement ces résistants, elle a eu recourt à des subterfuges démagogiques afin d’ exploiter les faiblesses de la nature humaine; technique, nous le rappelons, payante auparavant pour capturer Jugurtha. Blésus ne tarda pas à constater que ni la force militaire ni l’ or n’ ont pu étouffer la résistance. Il se trouva contraint à faire des concessions en offrant des terres aux Numides pour lâcher les armes et une fois Tacfarinas isolé et neutralisé, il aura tout le loisir de revenir sur lesdites concessions.
Ayant refusé l’ or de la trahison, certains combattants sont descendus du maquis pensant reprendre les terres de la victoire, sans léser Tacfarinas, voyant dans le geste des romains un signe de paix. Profitant de cette nouvelle situation, Blésus orchestrera des expéditions sanglantes et des fouilles minutieuses à la recherche de Tacfarinas, laissant derrière lui des villages en cendre.
Vers l’ an 22, Tacfarinas fut introuvable, Blésus le supposa mort et déclara à Rome que l’ ordre est imposé en Numidie; recevant ainsi les honneurs et le triomphe.
« Sparce bellum! »: Il faut semer la guerre Pour reprendre Tacite « Déjà trois statues couronnées s’ élèvent dans Rome: celle de Camillus, celle d’ Appronius et celle de Blésus. Et pourtant Tacfarinas met encore l’ Afrique sens dessus dessous ». Insaisissable comme jamais, cette fois-ci Tacfarinas surgit au cœur de la Maurétanie, où les tribus locales ont rejoint son mouvement populaire insurrectionnel.
Il attaqua la grande place militaire d’ Auzia( Aumale-Sour el gouzelane), la ville tomba malgré ses importantes fortifications, « Il faut la détruire! » hurlait Tacfarinas. Il avait une haine viscérale des villes, qui représentaient une néoformation tumorale où règnent les marchands et les riches qui persécutent le pauvre et le faible, là où « l’ homme n’ est pas le frère de l’ homme mais est soit son maître soit son esclave ».
44 Printemps 2018