ReMed 2018 Remed 5 - Histoire de la Médecine | Page 37

Une autre contribution de l’alchimiste Paracelse à la médecine moderne est sa célèbre formule : « Tout est poison, rien n’est sans poison. C’est seulement la dose qui fait le poison. » Bien que ce principe ne soit pas totalement exact (des matières très utilisées par les alchimistes tels le mercure, le plomb ou l’or sont toujours toxiques même à des quantités infimes), il en découlera de nombreuses découvertes thérapeutiques importantes. En effet, les thérapeutes qui lui succé- dèrent commençaient à administrer toutes sortes de produits à petites doses à leurs patients et purent donc découvrir des vertus thérapeutiques insoupçon- nées à certaines substances, comme le lithium pour les troubles maniaco-dépressifs, l’arsenic pour la sy- philis, le platine contre certains cancers, etc. Enfin, il accorda à la dimension « éthique » et « humaniste » de la médecine une importance considérable dont perdurent encore certaines de ses citations, de véritables leitmotivs pour tout pro- fessionnel de la santé : « On ne peut point aimer la médecine sans aimer les hommes. » « Je vous recommande de ne pas être âpre au gain, de mépriser le superflu et la fortune, de voir quelquefois des malades gratuitement. » « Le médecin ne doit pas trop se vanter… Il doit savoir ce que veut la nature et qu’elle est le premier médecin. » De l’apothicaire au pharmacien Les apothicaires sont les précurseurs « officiels » des pharmaciens. Ce sont des préparateurs de médica- ments (solutions, breuvages, décoctions, etc.) qui se différenciaient des charlatans par le fait qu’ils avaient des boutiques, les apothicaireries, faisant d’eux des commerçants sérieux et qualifiés (le mot apothicaire venant du latin Apothicarius voulant dire boutiquier). Flaubert décrit l’apothicairerie avec ces mots : « Probablement que c’était le logis vénéré d’un bon apothicaire-herboriste d’autrefois, lors du vieux temps des élixirs et des juleps, quand on venait chercher chez lui la drogue orientale, le médicament miellé, l’or potable qui prolonge la vie, et puis aussi le remède mystérieux qui se composait la nuit dans la seconde arrière-boutique, derrière les gros alambics verts et les paquets de baume… » Par les champs et par les grèves, 1881. La fonction d’apothicaire ne fait pas suite aux alchimistes, au contraire l’on rapporte même leur exis- tence dans des textes datant de 2600 av J.C. dans la civilisation Sumérienne. Cependant, ils n’acquerront leur « essence principale » de boutiquiers et de pré- parateurs de remèdes qu’au Moyen Âge, après l’avène- ment de l’alchimie et des échecs successifs qu’elle en- gendrait, pour justement se distinguer des alchimistes qui, pour l’opinion publique, étaient des « savants fous sans scrupule et peu qualifiés ». A son commencement la formation de l’apo- thicaire était exclusivement pratique pour la maitrise technique de la réalisation des préparations. Au fil du temps, l’apprenti devait avoir des notions de Latin et de grammaire pour la lecture des formulaires et des ordonnances des médecins. Quatre ans d’apprentis- sage et trois à dix ans de compagnonnage plus tard, l’élève pouvait accéder à la maîtrise après une présen- tation d’un certificat de bonne vie et mœurs. Ensuite, des communautés d’apothicaires com- mencèrent à naître et posèrent les bases de la régle- mentation stricte dans la préparation des remèdes, caractère que conservera l’industrie et la science pharmaceutique jusqu’à aujourd’hui. Enfin, ce n’est qu’en 1777, sous le règne de Louis XVI, qu’ils prendront le nom de « Pharmaciens » et qu’ils obtiendront l’exclusivité de la préparation des remèdes. C’est ainsi que disparut le mot « apothi- caire » au profit de celui de « pharmacien », même si l’on y fait encore référence aujourd’hui dans cer- taines langues (Apotheker, Apothecaria et Aptsiéka qui signifient « pharmacie » en Allemand, en Espagnol et en Russe respectivement) ; et naquit ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de « pharmacie moderne ». Références : - « L’alchimie dans l’œuvre au noir, une interprétation », Maxim M. Blondowski, 2013 - « le corps invisible et la médecine alchimique », Léon Gineste, 2009 - « Ce que la science doit à l’alchimie », Jean-Marc Du- puis, 2016 - « The mystery and romance of alchemy and pharmacy », C.J.S Thompson, 1897 ReMed Magazine - Numéro 5 37