ReMed 2018 Remed 5 - Histoire de la Médecine | Page 23
Médecine Algérienne : Aux Portes de la
Mémoire
Thinhinane SARI
Cette modeste contribution s’est principalement basée sur le livre du Docteur Monsieur Mostefa
KHIATI intitulé « Histoire de la médecine en Algérie, de l’antiquité à nos jours ». La structure adoptée
dans le livre a été reprise dans l’article. Notre profond respect pour ce grand travail de recueil et de
recherche.
E
troitement installé au centre de la capitale, il s’en
distingue pourtant de loin.
A peine l’on entre dans son enceinte, l’on quitte le
siège du spectateur et l’on prend celui de l’acteur, que
l’on est d’ores et déjà, capté par la spécificité de cet en-
droit. D’un coup, le décor se dénude de ses artifices et
s’offre à l’inspection et à la palpation, dévoilant ainsi
sa réelle face, longtemps occultée.
Du portail d’entrée à ses différents Services
vieux comme le monde, s’entrecroisent de longues
allées ombragées du feuillage touffu des grands
caoutchoucs. Des passants venus de toutes parts en-
combrent l’endroit : patients et médecins accourant
derrière leurs soucis personnels, oisifs toisant les pas-
sants, miséreux demandant l’aumône et couples amou-
reux se cajolant au coin, ne trouvant abri qu’à l’ombre
de la peine humaine. Avec ses pierres et ses hommes,
cet endroit édifie à lui seul une ville au centre de la
ville. Il est l’hôpital, le refuge et l’asile.
Ses bâtiments, aux mille recoins, sont munis
de mille portes.
Ces portes semblent non fonctionnelles à la première
attention. Les loquets sont cassés ou détachés, les
angles sont embroussaillés de toiles d’araignées et les
peintures, grisâtres, sont usées, dénudant les multiples
couches sous-jacentes anciennement appliquées aux
occasions des visites ministérielles. Pour arriver à un
Service, il faut passer par ces portes, et par on ne sait
quel miracle, ces portes s’ouvrent et se referment. Et la
porte donne sur une autre porte, et de porte en porte
se réveille la mémoire…
Médecine antique et romaine
Algérie, dont la terre est vieille de deux millions d’an-
nées, est considérée comme l’un des premiers ber-
ceaux de l’humanité. Elle fut témoin des innombrables
fluctuations qu’a subies l’homme, de l’Homo habilis à
l’Homo sapiens, d’un royaume à un autre, d’une civi-
lisation à une autre, mourant et renaissant de leurs
cendres, dressant ainsi une magnifique fresque de la
vie d’un peuple profondément enraciné dans l’Histoire.
D’abord, les Numides. Etant les plus anciens habi-
tants autochtones de l’actuelle Algérie, ils édifièrent
au troisième siècle avant J.-C le royaume de Numi-
die « Grands comme des dieux et forts comme des
lions », ils se distinguaient par leur bonne santé et
leur remarquable longévité. N’est-ce pas Appien,
l’historien grec, qui dit d’eux : « Les Numides sont les
plus robustes de tous les peuples africains, et entre
tous ces peuples qui vivent longtemps, ce sont ceux qui
ont la plus forte longévité. »
Ceci dit, ils n’avaient pu échapper aux fléaux
de l’époque. Le paludisme avec ses accès palustres sé-
vissait à l’état endémique, la tuberculose menait iné-
luctablement vers le décès et, en l’an 125 avant J.-C,
nous trouvons une première mention d’une épidémie,
probablement la peste. Elle fut dévastatrice.
Des établissements de santé étaient édifiés
et réservés totalement ou partiellement aux malades,
où ils pouvaient loger, manger et recevoir des soins
médicaux gratuitement, le médecin étant exonéré en
contrepartie des charges publiques et bénéficiant de
la position d’archiatre (médecin officiel de la famille
royale). Quant aux patients ne pouvant pas se dépla-
cer, les médecins accouraient les soigner à leur chevet,
ce qui nous renseigne déjà sur les fondements de la
relation médecin-malade, tel que rapportée par Apu-
lée de Madaure dans son œuvre « Florides » : « Dès
que le médecin s’est assis à côté du malade, il lui prend
la main, il la palpe longuement et en tous sens, il s’efforce
de saisir les battements du pouls et mesurer leurs inter-
valles. » Cette médecine, profondément inspirée de
l’école hellénique, était essentiellement naturaliste.
A partir du IV ème siècle jusqu’au V ème siècle, un
enseignement médical était assuré à Hippone. La for-
mation s’étendait sur 5 ans et contenait un volet théo-
rique et un volet pratique au lit du malade.
De nombreux médecins ont marqué cette période :
Aumastin Imaillin, Maximus, Cassius Félix l’auteur de
« Medicina », Juba II qui était aussi médecin natura-
liste, et le célèbre Apulée de Madaure, natif de l’an
125, auteur de la grande œuvre « l’Ane d’or », roman
imaginatif écrit à la première personne, où l’auteur, de
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