ReMed 2017 ReMed Magazine N°3 - Lifestyle | Page 27

ReMed Magazine Littéra’Tour “Occidentalisation du monde” Nazih Mohamed Zakari KOUIDRAT Dans la chronique « l'espace méditatoire pour névrosés », des résumés et des synthèses de livres et d’essais seront exposés, dans l’intention de provoquer et d’attiser la curiosité des étudiants sur le domaine des Sciences Sociales. La présente contribution se veut une invitation en direction des lecteurs à plonger dans une variété de sujets, susceptibles d’apporter des éléments de réflexion sur différents phénomènes immanents de la réalité de notre société. Prologue D ’un côté, mondialisation, globalisation, citoyen du monde sont des termes devenus à la mode, usités sans modération et souvent non soumis à un réel travail de réflexion critique. D’un autre côté, il est notoire que les Etats-Unis dominent le monde, mais cette assertion repose souvent sur un discours haineux et creux. C’est pourquoi l’œuvre de Monsieur Serge Latouche vient apporter un discours savant pour contrecarrer le flux unidirectionnel de discours élaborés. Un fantasme Aujourd’hui, l’Occident représente beaucoup plus une notion idéologique que géographique, qui synthétise des dimensions religieuse, éthique et économique en un phénomène de civilisation. Son message éthique dans la tradition des Lumières serait les valeurs de mo- dernité : Droits de l’homme et Démocratie. Sa mission n’est pas d’exploiter le tiers monde, elle est de libérer les hommes (et plus encore les femmes...) de l’oppres- sion et de la misère. En conséquence, la mondialisation serait une grande source de diversité. Et, en effet, dans les grandes métropoles, le citoyen a le choix entre des restaurants « ethniques », les musiques les plus divers- es et les cérémonies religieuses de cultes variés. Une réalité Afin de mieux cerner les efforts consentis à la réalisa- tion de ce rêve, nous citons en exemple un ancien re- sponsable de l’administration CLINTON, D. ROTHKOPF, qui déclarait froidement en 1997 : « Il y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais ; que, s’il s’oriente vers des normes communes en matière de télécommunications, de sécurité et de qualités, ces normes soient américaines ; que, si ses dif- férentes parties sont reliées par la télévision, la radio et la musique, les programmes soient américains ; et que, si s’élaborent des valeurs communes, ce soit des val- eurs dans lesquelles les Américains se reconnaissent. » Ceci vient appuyer la formule de H. KISSINGER : « La mondialisation n’est que le nouveau nom de la poli- tique hégémonique américaine. » Quel était alors l’an- cien nom ? Evolution historique Le plus vieux nom de l’occidentalisation du monde était la colonisation et le vieil impérialisme. Plus sûr que jamais de la supériorité de sa civilisation grâce au développement industriel, l’homme blanc se croit investi d’une mission sacrée, celle d’apporter la civili- sation des lumières aux races inférieures. Il se croit le législateur de l’univers, les « Romains modernes » selon T. ROOSEVELT. Les peuples forts doivent donner des lois aux peuples faibles. En 1914, l’homme blanc contrôle toute la planète sous une administration coloniale, à travers une divi- sion binaire, prétendument « naturelle » : une Europe manufacture de l’univers, et le reste du monde source de matières premières. Mais comment peut-on parler de naturel face un ordre colonial et impérial violent (ouverture des marchés à coups de canon et cultures obligatoires) ? La crise de l’ordre colonial L’Occident a été victime de son succès même et de ses contradictions : « Le droit des pays les plus forts à dominer politiquement le monde entre en conflit avec le droit égal des peuples, base de la souveraineté natio- nale, et sans lequel il n’y a pas d’ordre international. » La première manifestation du déclin n’est autre que la crise de l’idéologie et des valeurs occidentales. La Première Guerre Mondiale illustre avec une clarté di- aphane les limites de la mission civilisatrice de l’Occi- dent. L’échec même du modèle économique libéral en Occident constitue le deuxième phénomène de la crise. De plus, l’Occident avait perdu tout son éclat ; le mythe des Lumière, est traîné dans la boue par les fascismes triomphants. C’est ainsi que l’occidentalisation impéri- ale a perdu toute justification. Comme l’ordre colonial n’était plus maintenu que par la force, la décolonisation est devenue inévitable. De là, émergera la nouvelle puissance hégémonique, les États-Unis, « où va désormais s’incarner un nouvel Oc- cident rajeuni par ce bain de sang et répudiant l’héri- tage colonial. » Numéro 3 ReMed 27