Puissance et sécurité à l'épreuve des conflits du Proche-Orient. IHEDN_AR-18_C79_2015-2016_Sécurité et puissance | Page 9

Nadine Morano, députée européenne, ancienne ministre, a estimé qu'aujourd'hui la France n'a pas les moyens d'accueillir les migrants. Elle préfère un camp sécurisé des Nations-Unies à un bidonville en France. D'autant que les violences perpétrées par des migrants sont en hausse (vandalismes, discours de haine, attaques contre les personnes...) et que d'aucuns soupçonnent qu'elles sont alimentées par des personnes radicalisées infiltrées parmi eux. Ces différentes positions génèrent et alimentent les courants pro et anti-migrants. Entre la libre circulation entre les États membres de l'Union européenne et certains pays qui clôturent leurs frontières, l'Europe est confrontée au double problème de l'accueil des migrants et de la sécurité des pays accueillants. Les États mettent en œuvre différentes mesures de surveillance des frontières et de restriction des mouvements frontaliers. Ils peuvent le faire de manière intense ou non : dans le premier cas, on parle de frontières fermées, dans le second, de frontières ouvertes. La coordination des actions des États membres est assurée par l’Agence européenne pour la Gestion de la Coopération opérationnelle aux Frontières extérieures (FrontEx), créée en 2004. Cependant, avec les changements technologiques, la ligne frontière proprement dite n'est plus nécessairement le principal lieu où s'exercent les contrôles, mais dans le contexte de lutte contre le terrorisme, les contrôles individuels à la frontière ont en revanche une grande importance. La montée de la menace terroriste et les attent ats qui ont eu lieu en Europe et notamment en France, remettent en cause la Convention de Schengen 12 qui prévoyait la disparition des frontières intérieures et le renforcement des frontières extérieures pour assurer la sécurité des citoyens au sein d’un espace de libre circulation. Les frontières extérieures ne sont pas seulement terrestres, elles sont aussi portuaires et aéroportuaires. Contrepartie de la libre circulation, le système d’information Schengen (SIS) est une pièce essentielle du dispositif. Il permet des échanges d’informations sur les personnes signalées, en matière d’immigration ou de procédure judiciaire, ou pour des objets volés. Il s’agit donc d’un système très perfectionné de coopération entre les États membres de l’espace Schengen pour veiller à ce que la liberté de circulation ne s’accompagne pas d’une moindre sécurité. Des contrôles temporaires peuvent être remis en place pour des motifs de sécurité ou d’ordre public. Le manque d’harmonisation dans certains domaines, notamment la législation sur les drogues dites douces, a ainsi pu porter préjudice au bon fonctionnement de l’espace Schengen : la législation tolérante des Pays-Bas face au cannabis a entraîné dès 1995 la remise en cause de la libre circulation entre ce pays et la France qui a en effet fait jouer sa clause de sauvegarde. Cette dernière prévoit, qu’en cas de menace pour l’ordre public ou la sécurité nationale, l’État peut rétablir des contrôles frontaliers pendant une période limitée. Et la France a alors estimé que l’absence de contrôle frontalier pouvait entraîner une entrée massive de cannabis sur son territoire alors qu’elle n’a légalisé ni la production ni la consommation de cette drogue. En 2012, l’adhésion à la Convention de Schengen de la Bulgarie et de la Roumanie a été de nouveau repoussée, les autres membres ayant souhaité que ces pays renforcent encore leur surveillance aux frontières, ainsi que la lutte contre la criminalité et la corruption. Par ailleurs, suite au "printemps arabe" et à l’afflux de migrants tunisiens et libyens sur les côtes italiennes, la France et l’Italie ont demandé à la Commission et à la présidence de l’Union une modification des règles de Schengen lors de circonstances exceptionnelles. Pour assurer la sécurité des populations, le contrôle des frontières est bien un enjeu vital pour les puissances que sont les États membres de l'Union européenne. Mais les flux migratoires intenses depuis 2014 ont révélé des fragilités et dénotent sinon une impuissance du moins un flottement. Il serait illusoire de penser que la résolution des problèmes liés à l'arrivée de migrants en Europe, dans un contexte de crise économique latente et de la persistance d'un chômage de masse, serait du seul fait des pays d'arrivée. Il faudrait trouver des solutions aux graves difficultés des pays de départ pour tarir la source des migrations du désespoir alimentée par les situations dramatiques locales dont profitent 12 Cf. la carte de l'espace Schengen en annexe 6 9