Puissance et sécurité à l'épreuve des conflits du Proche-Orient. IHEDN_AR-18_C79_2015-2016_Sécurité et puissance | Page 7
Le contrôle social informel reste alors un médiateur efficace entre la pauvreté et la criminalité. Par ailleurs, la
protection sociale est devenue une préoccupation première, et les classes moyennes recherchent la solidarité
plutôt que de rester dans l’individualisme.
Autre élément de déstabilisation : la médiatisation de la société. Les médias, et parmi eux la
télévision, ont pris un poids considérable, démesuré dans la société moderne. Parmi les conséquences
désastreuses qu’ils engendrent, on trouve la dictature de la médiatisation, qui ressemble comme deux gouttes
d’eau au culte de la personnalité dans une société totalitaire, communiste ou nazie. Comment des sociétés qui
ont lutté de toutes leurs forces contre le totalitarisme en sont-elles arrivées à reproduire certains aspects de
ces systèmes déshumanisant et où règne la banalité du mal ?
La médiatisation à outrance a tout changé. Elle a rendu connus des gens auparavant inconnus, et qui
pour la plupart auraient dû le rester. Elle leur a donné une légitimité de fait, car pour un cerveau humain
actuel, avec la connaissance vient la reconnaissance. On constate tous les jours que la valeur est
généralement inversement proportionnelle à la médiatisation. Les personnes médiatisées, donc connues,
usurpent généralement leur reconnaissance, qu’elles ne méritent pas pour la plupart. L’un des effets pervers
de la médiatisation consiste à donner plus facilement la parole à une personne qui parle bien qu’à une
personne qui parle vrai. C’est l’ère des rhéteurs, des beaux parleurs, des séducteurs. Il conviendrait de
valoriser l’effort, la patience, le goût du risque, l’audace, le mérite, plutôt que l’opportunisme, la facilité,
l’immédiateté et la richesse financière. Tout le contraire de ce que valorise la médiatisation, justement.
Quant au principe de la souveraineté nationale qui a longtemps été considéré, conformément à la
conception classique, comme l'un des principaux éléments sur lesquels est fondée l'idée d'État-nation, il a
subi des transformations au cours de ces dernières décennies. Si certaines d'entre elles ont sérieusement
affecté son contenu, d'autres ont eu des effets positifs en renforçant la capacité des États à faire face à
certains problèmes qu'ils n'auraient pu surmonter seuls. En d'autres termes, les effets des développements
actuels du système international ne sont pas uniquement négatifs en ce qui concerne le système de l'État-
nation et le principe de souveraineté.
Ces mutations renforcent le sentiment d'insécurité alimenté tout d'abord par les atteintes aux biens ou
aux personnes qui émaillent la presse quotidiennement. Selon le journal « le Figaro », les Français sont
inquiets du terrorisme et s’estiment victimes plus qu'avant de violences: tels sont les enseignements de
l'enquête 2015 de "victimation" consistant à sonder leur vécu - ou non - de l'insécurité. Interrogés sur les
"problèmes les plus préoccupants dans la société" actuellement, les Français mettent pour la première fois en
second le terrorisme (17,7%) derrière le chômage (38,3%).
Les périodes de crises économiques ne sont pas propices à l'essor de l'altruisme et de la générosité.
Elles nourrissent, au contraire, chez celles et ceux qui en sont victimes, angoisse, colère et ressentiment. Les
partis populistes donnent une expression politique, illusoire et mystificatrice, à cette colère. Ils présentent
une explication simpliste aux difficultés dans lesquelles se débattent les victimes de la crise, leur désignent
des responsables à leurs malheurs, leur proposent des solutions simples et mobilisatrices pour remédier à leur
situation.
Les idéologies populistes 10 sont diverses, mais elles présentent toujours une même structure. La
politique est conçue comme une lutte entre le Bien et le Mal. En période de crise économique et de
régression sociale au contraire, les partis populistes, et en premier lieu les partis national-populistes, ont le
vent en poupe.
Leur xénophobie gagne en efficacité politique et en rendement électoral. Modernité oblige, dans les
démocraties développées d'Europe de l'Ouest et du Nord, elle a changé d'argumentation : de biologique et
raciale, elle est devenue culturelle. A la xénophobie classique à fondement social et ethnique, qui s'adresse
aux classes populaires, s'ajoute désormais une xénophobie moderne à fondement culturel, qui vise plus
particulièrement les classes moyennes éduquées. En réalité, les boucs émissaires du populisme et ses
10 Cf. l'analyse détaillée en annexe 5
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