Puissance et sécurité à l'épreuve des conflits du Proche-Orient. IHEDN_AR-18_C79_2015-2016_Sécurité et puissance | Page 46
B) La crise Djihadiste serait-elle le résultat d’une crise sociétale et civilisationnelle d’ampleur
jusque la méconnue ?
Pour Gilles Kepel, dans l’express (6 / 12 Janvier 2016 pages 30/31) après les attentats du 13
novembre il faut s’interroger à la fois sur la pertinence du mot « guerre », sur la réalité de cette
menace mais surtout sur ces origines : « […] encore une fois au cœur de ce contexte affirmer que
nous sommes en guerre en France revient à s’interdire de penser la nature réelle de ce phénomène
[la mobilisation Djihadiste] […] ce n’est pas une guerre. C’est un défi culturel social et
économique. Il faut comprendre que le terreau des banlieues populaires où l’on ne trouve plus de
travail, produit des attitudes de désespérance et de repli identitaires qui s’expriment d’abord dans
un salafisme* a priori non violent puis une fois que la rupture est faite des individus dérivent vers
le Djihadisme […] ».
Une définition du salafisme s’impose (l’Histoire n°419/ Janvier 2016) : de l’arabe Salaf (ancêtres)
ce courant prône le retour à un islam des origines celui de Mahomet et de ses compagnons parmi les
salafistes s’opposent les quiétistes majoritaires qui se tiennent à l’ écart de la politique et les
Djihadistes qui recourent à la violence. . -Pour Anastasia Colossimo (« les bûchers de la liberté »
paru chez Stock) les attentats de Charlie Hebdo commis par les Djihadistes en réponse aux
caricatures de Mahomet ont sidéré une société Française par leur violence qui lui rappelait qu’elle
était loin d’être sortie du « Religieux » : « […] l’irruption de la notion de Blasphème dans une
France devenue ignorante du fait religieux n’ a fait qu’aggraver un malaise plus profond dont on a
cru qu’une judiciarisation renforcée et une moralisation accrue suffirait à résoudre ». En défendant
la notion de blasphème au nom du droit « sacré de la liberté d’expression », mais en limitant en
même temps ,au nom du vivre ensemble, l’ expression des idées les plus subversives, ne substituons
nous pas un sacré profane ( sociétal) à un sacré religieux ,nous plaçant de fait dans le même registre
que ceux qui nous attaquent ? La France laïque est –elle encore capable de penser le fait religieux et
les manifestations les plus étrangères à sa culture? -Pour Jean Birnbaum (Directeur du monde des
livres auteur du livre : « Un silence religieux ,la gauche face au Djihadisme » la lutte contre le
Djihadisme doit passer par la connaissance des motivations qui poussent des milliers d’Européens à
s’engager ; « […] et on ne pourra rien y comprendre en escamotant la puissance propre à la
religion […] comme le disait Michel Foucault à propos de la révolution Iranienne, il faut saisir ce
qui se passe dans les têtes.[…] ». Peut-être alors faut –il à ce titre s’interroger sur le rôle des médias
des réseaux sociaux, des modèles de comportement véhiculés par les jeux en lignes et autres « call
of duty ». Gilles Kepel souligne l’importance d’internet qui « élargit à l’univers entier un espace du
champ de bataille qui était autrefois limité à des terrains particuliers. L’internet contribue à
multiplier les effets du prosélytisme dans les milieux qui sans cela n’auraient pas pu être touchés,
comme en témoignera la proportion inouï de convertis et de jeunes filles qui seront gagnés à cette
idéologie » les images comme celles des enfants gazés par le régime de Bachar el Assad frappent
les imaginaires et contribuent à des radicalisations entamées souvent ailleurs. On ne dira jamais
combien la reculade d’Obama devant les frappes contre le régime syrien en Septembre 2013 a
poussé les jeunes dans les mouvements les plus radicaux »l’histoire n° 419 Maurice Sartre « djihad
au pays des païens » pour finir Christophe barbier citant Jacques Derrida « l’ Islam n’est pas
l’islamisme, ne jamais l’ oublier mais celui-ci s’exerce au nom de celui là, et c’est la grave question
du nom. Ne jamais traiter comme un accident la force de ce qui arrive, se fait ou se dit au nom de la
religion » et de conclure reprenant Birnbaum cité plus haut : « le pouvoir laïque de la république
doit affronter un immense défi spirituel ». Maurice Sartre ( article cité ) rapporte : « Dans les cercles
Salafistes qui ont désormais largement l’oreille des jeunes s’élabore une histoire revisitée : l’histoire
de l’humanité du sénégalo-niçois Omar Omsen, série de vidéo très populaire sur les réseaux sociaux
raconte ainsi « la véritable histoire de l’humanité dans une logique complotiste qui aboutira à la
rédemption universelle par le Djihad syrien. »
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