Puissance et sécurité à l'épreuve des conflits du Proche-Orient. IHEDN_AR-18_C79_2015-2016_Sécurité et puissance | Page 13

la police du monde. Ils sont ravis que les Français prennent en charge la gestion intérimaire des conflits africains, en attendant l’arrivée des troupes de l’ONU ou de l’Union africaine, pour lesquelles ils veulent bien payer un peu, mais pas trop. Au Moyen-Orient, les Européens ne pèseront pas sur les choix politiques qui vont déterminer l’avenir de la région si leur capacité militaire y est marginale ; et il n’est ni souhaitable ni réaliste que les Français deviennent les « Américains » de l’Afrique. Comment alors sortir de cette impasse ? Les cultures stratégiques doivent s’ajouter au lieu de se soustraire : la tentation française, en matière de défense, sera toujours de donner la priorité au partenaire britannique, parce que les deux pays ont les mêmes réflexes, et partagent les mêmes nostalgies. L’ancrage de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne est donc primordial. Mais c’est avec l’Allemagne que la discussion doit d’abord s’engager pour élaborer une construction européenne de défense crédible. L’Allemagne peut aider à ancrer l’action extérieure de l’Union européenne, y compris ses actions militaires, dans un cadre institutionnel et des principes qui aient le soutien des opinions publiques, soutien sans lequel aucune politique de défense démocratique ne peut s’inscrire dans la durée. La France apporte pour sa part une capacité d’action et un sens de la gestion des crises dont l’Europe a grand besoin. Force est de constater que si l’Union européenne a, si on additionne les budgets militaires nationaux, le deuxième budget militaire du monde, sa puissance militaire n’est qu’une fraction de la puissance américaine. Plus que jamais, une défense européenne est une évidente nécessité stratégique et économique. Le ministère de la Défense a perdu, en euros constants, 20 % de son budget en 25 ans. Près de quatre mois après les attentats de janvier 2015 et alors que toute l'Ile-de-France est toujours placée en « alerte attentat », mobilisant massivement les forces de sécurité, François Hollande a annoncé le mercredi 29 avril 2015 le maintien des crédits alloués au ministère de la défense en 2015 (31,4 milliards d'euros) ainsi qu'une rallonge de 3,8 milliards d'euros sur la période 2016-2019. La décision du Président de la République rompt avec plusieurs années de baisse du budget de la défense, même si ce ministère est actuellement le deuxième le plus doté, derrière celui de l'éducation nationale (47,4 milliards d'euros en 2015). Mais cette baisse des budgets militaires n'est pas que l'apanage de la France : les principales puissances mondiales ont vu leurs dépenses militaires stagner ou légèrement baisser depuis 2001, en part de PIB. Seule la Russie de Vladimir Poutine fait figure d'exception, avec un investissement massif dans la défense, notamment depuis 2011 (4,5 % du PIB en 2014 contre 3,7 % alors). La rigueur imposée au ministère de la défense s'est traduite par des coupes massives dans les effectifs. De plus de 330 000 personnes en 2003 (civils et militaires, hors gendarmerie nationale), ils sont tombés à 275 000. La loi de programmation militaire (LPM), définissant les ambitions de la défense entre 2014 et 2019, fixait un objectif de 34 500 postes supprimés au cours des six ans, s'ajoutant aux 45 000 déjà supprimés au cours de la précédente LPM. Après les annonces du Président de la République le 29 avril 2015, 18 500 postes seront maintenus. Selon les données de la Banque mondiale, la France consacre 2,3% de son PIB à sa défense en 2013, contre 2,6% il y a dix ans. La France se situe ainsi dans la moyenne haute mondiale des grandes puissances, même si certains pays tels Israël (5,7% du PIB), la Russie (4,5%) ou les États-Unis (4,2%) consacrent plus d'argent à leur défense. A titre de comparaison, les dépenses militaires représentent 2,4% du PIB au Royaume-Uni, 2% en Italie et 1,3% en Allemagne. La France a-t-elle les moyens de ses guerres ? Barkhane au Sahel (après Serval), Sangaris en Centrafrique, Chammal au Moyen-Orient… La France « est en guerre », selon les termes du Président de la République, contre un ennemi nommé terrorisme 20 . Dix sept mille hommes sont déployés : 7 000 à l’étranger, 10 000 en France dans le cadre de la protection antiterroriste, un record depuis la guerre d’Algérie. La dotation initiale des « OPEX » 21 (450M€) a été maintenue en avril, mais le coût global dépassera le milliard et un financement interministériel sera sans aucun doute nécessaire. Outre les hommes, les matériels souffrent d’un vieillissement accéléré et là encore un effort budgétaire apparaît 20 Cf. aussi annexe 12 21 OPEX : Opérations extérieures 13