PixaRom Sep.2014 | Page 35

BOUILLON DE PIXELS Le protagoniste Même constat dans le premier Dead Space où Isaac traverse tous les évènements et meurtres sanglants sans mot dire, ce qui produit une certaine dissonance. Si les créateurs d’Half-Life tablaient sur le fait que le mutisme pouvait permettre une meilleure identification, on peut Inutile d’insister, vous ne me ferez pas parler ! donc raisonnablement C’est un fait, les jeux vidéo ont pour habi- penser que c’est plutôt capable de produire tude de vous mettre aux commandes du le contraire. personnage dont les actions vont provoquer Quelque chose de plus général, et susdes conséquences plus ou moins irrémé- ceptible de casser d’autant plus l’immersion, diables à une situation ou suite de situations est l’inclusion du protagoniste dans le donnée(s). monde qui l’entoure- le fait qu’il y réagisse et Et s’il ne le fait pas principalement par ses y interagisse. Comment être pris par l’action propres moyens, bien souvent il sera alors le si l’on glisse plus dans l’environnement leader du groupe concerné. D’où la nécessité qu’au tre chose ? de le rendre un brin intéressant, ou, à défaut, Crysis 2 en offre un exemple très clair : d’en faire un réceptacle suffisamment vivant Alcatraz, marines ayant survécu à un assaut (comme pour les RPG où vous créez votre alien, n’est qu’un pantin dans une combipersonnage). naison le transformant en surhomme sans La question semblant plutôt subjective, laquelle il n’est rien. je ne discuterai pas du charisme et des qualiOn ne sait rien de lui, il ne parle jamais tés attendues, chacun voit midi à sa porte. (personne ne s’en étonne), il se contente Par contre, la décision de rendre le héros d’obéir aux ordres sans montrer le moindre mystérieusement muet ou avec un larynx signe de personnalité. fonctionnel est une autre paire de manCertes on se trouve dans un FPS, mais ches. Si dans un jeu comme Baldur’s Gate contrôler un personnage aussi creux, sans croulant sous les dialogues, on puisse com- volonté, subissant les évènements, est assez prendre que seulement certains passages peu enthousiasmant. soient doublés, dans une production modHélas, les héros génériques sont une erne et autrement moins prolixe comme espèce assez courante, comme dans les RPG Dishonored avec, de surcroît, des options de où ils sont juste là pour tenir le rôle de saudialogue clairement affichées (et donc pas veur, ils incarnent un statut tandis que leur le syndrome Gordon Freeman qui n’a jamais personnalité, elle, est alors remisée. rien à dire) la mutité de Corvo est déjà un Il n’y a pas à s’étonner que Mass Effect ait peu plus dérangeante. eu du succès avec Shepard, en prenant un peu des méthodes occidentales et orientales, pour être à la fois « customisé » et avoir des éléments fixes lui donnant la substance, ne serait-ce que son nom et la façon dont il est ancré dans l’univers l’entourant. Au bout du compte, il y a deux grands axes : soit le protagoniste doit être suffisamment travaillé pour qu’on veuille bien vivre l’aventure proposée à travers lui ; soit le soft doit comprendre suffisamment d’éléments pour qu’en jouant, on puisse s’identifier à lui- comme avec des choix comportant des conséquences visibles. Avoir les deux - comme avec Geralt de Rivia dans The Witcher - est un bonus conséquent mais pas si courant. Choix et actions Un des outils pour aider à l’identification, et à l’immersion en général, est bien entendu la présence, ou plutôt l’illusion, des choix. Je parle d’illusion car si les moyens techniques s’améliorent, un jeu ne restera qu’un ensemble défini d’actions possibles, restreintes par les codes implantés. Mais l’immersion n’est-elle pas elle-même une question d’illusion ? Il s’agit là d’impressions, de sentiments, plus ils semblent vraisemblables, mieux c’est : l’art est bel et bien de rendre l’illusion la plus convaincante possible. Bien entendu, tous les types de jeux ne se prêtent pas à donner de « vrais » choix au gamer. Mais dès qu’il y a possibilité d’action sur son environnement, il est souhaitable d’avoir des réactions, et préférablement proportionnées et en rapport avec ce que l’on a fait. Ne serait-ce que des petites choses comme être appelé « voleur ! » dans Link’s Awakening en s’enfuyant crânement d’une boutique avec un objet ! Well, would you, player ? PixaRom magazine    35