BOUILLON DE PIXELS
Le protagoniste
Même constat dans
le premier Dead Space
où Isaac traverse tous
les évènements et
meurtres
sanglants
sans mot dire, ce qui
produit une certaine
dissonance.
Si les créateurs
d’Half-Life tablaient sur
le fait que le mutisme
pouvait
permettre
une meilleure identification, on peut
Inutile d’insister, vous ne me ferez pas parler !
donc raisonnablement
C’est un fait, les jeux vidéo ont pour habi- penser que c’est plutôt capable de produire
tude de vous mettre aux commandes du le contraire.
personnage dont les actions vont provoquer
Quelque chose de plus général, et susdes conséquences plus ou moins irrémé- ceptible de casser d’autant plus l’immersion,
diables à une situation ou suite de situations est l’inclusion du protagoniste dans le
donnée(s).
monde qui l’entoure- le fait qu’il y réagisse et
Et s’il ne le fait pas principalement par ses y interagisse. Comment être pris par l’action
propres moyens, bien souvent il sera alors le si l’on glisse plus dans l’environnement
leader du groupe concerné. D’où la nécessité qu’au tre chose ?
de le rendre un brin intéressant, ou, à défaut,
Crysis 2 en offre un exemple très clair :
d’en faire un réceptacle suffisamment vivant Alcatraz, marines ayant survécu à un assaut
(comme pour les RPG où vous créez votre alien, n’est qu’un pantin dans une combipersonnage).
naison le transformant en surhomme sans
La question semblant plutôt subjective, laquelle il n’est rien.
je ne discuterai pas du charisme et des qualiOn ne sait rien de lui, il ne parle jamais
tés attendues, chacun voit midi à sa porte.
(personne ne s’en étonne), il se contente
Par contre, la décision de rendre le héros d’obéir aux ordres sans montrer le moindre
mystérieusement muet ou avec un larynx signe de personnalité.
fonctionnel est une autre paire de manCertes on se trouve dans un FPS, mais
ches. Si dans un jeu comme Baldur’s Gate contrôler un personnage aussi creux, sans
croulant sous les dialogues, on puisse com- volonté, subissant les évènements, est assez
prendre que seulement certains passages peu enthousiasmant.
soient doublés, dans une production modHélas, les héros génériques sont une
erne et autrement moins prolixe comme espèce assez courante, comme dans les RPG
Dishonored avec, de surcroît, des options de où ils sont juste là pour tenir le rôle de saudialogue clairement affichées (et donc pas veur, ils incarnent un statut tandis que leur
le syndrome Gordon Freeman qui n’a jamais personnalité, elle, est alors remisée.
rien à dire) la mutité de Corvo est déjà un
Il n’y a pas à s’étonner que Mass Effect ait
peu plus dérangeante.
eu du succès avec Shepard, en prenant un
peu des méthodes occidentales et orientales, pour être à la fois « customisé » et avoir
des éléments fixes lui donnant la substance,
ne serait-ce que son nom et la façon dont il
est ancré dans l’univers
l’entourant.
Au bout du compte, il y a deux grands
axes : soit le protagoniste doit être suffisamment travaillé pour qu’on veuille bien vivre
l’aventure proposée à travers lui ; soit le soft
doit comprendre suffisamment d’éléments
pour qu’en jouant, on puisse s’identifier à
lui- comme avec des choix comportant des
conséquences visibles.
Avoir les deux - comme avec Geralt de
Rivia dans The Witcher - est un bonus conséquent mais pas si courant.
Choix et actions
Un des outils pour aider à l’identification, et à l’immersion en général, est
bien entendu la présence, ou plutôt l’illusion, des choix.
Je parle d’illusion car si les moyens techniques s’améliorent, un jeu ne
restera qu’un ensemble défini d’actions possibles, restreintes par les codes
implantés. Mais l’immersion n’est-elle pas elle-même une question d’illusion
?
Il s’agit là d’impressions, de sentiments, plus ils semblent vraisemblables, mieux c’est : l’art est bel et bien de rendre l’illusion la plus
convaincante possible.
Bien entendu, tous les types de jeux ne se prêtent pas à donner de «
vrais » choix au gamer. Mais dès qu’il y a possibilité d’action sur son environnement, il est souhaitable d’avoir des réactions, et préférablement
proportionnées et en rapport avec ce que l’on a fait.
Ne serait-ce que des petites choses comme être appelé « voleur ! » dans
Link’s Awakening en s’enfuyant crânement d’une boutique avec un objet !
Well, would you, player ?
PixaRom magazine
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