PixaRom numéro 4 PixaRom numéro 4 Mars 2014 | Page 88

LA PLUME DES EONS Ash secoua la tête. Mort ou vivant, il semblait que personne n’aurait la vie facile, maintenant. Mais pour ce qui restait à sauver du Programme, il devait encore faire quelques vérifications, et l’une d’elle avait pour objet le fardeau récalcitrant qu’il tenait derrière lui. Pris au piège comme des rats de laboratoire… Quel effet cela avait-il du faire de se retrouver de l’autre côté de la cage, impuissant, ne pouvant que voir venir la mort prochaine ? Lorsqu’ils avaient avalé les premières bouffées de gaz… Avaient-ils ressentis la peur, celle-là même qui avait étreint leurs cobayes ? Il avisa une légère cuvette au creux du sable, et décida que ce lieu en valait autant qu’un autre. Sans ménagement, il y jeta le sac qui atterrit avec un bruit mat et des grognements étouffés. Puis il sortit sa gourde et en but les dernières gouttes, songeant tristement qu’il aurait quelque mal à retrouver du sirop de grenadine pour parfumer son eau. Il détestait la boire ‘crue’. Heureusement, il avait d’autres gourdes en réserve. Avec résignation, il s’approcha du sac qui se démenait de plus belle et en défit l’ouverture, libérant un individu mâle de taille moyenne, très peu satisfait du traitement qu’il venait de subir, et n’hésita pas à le faire savoir de vive voix. Enfin, jusqu’à ce que sa gorge sèche le ramène un débit plus vertueux. “ Où sommes-nous ?” souffla-t-il en regardant autour de lui, telle une bête prise au piège. Ash le fixa d’un regard sans expression. “ Là. Ici. Ailleurs. Quelle importance ? Bientôt, tout se ressemblera de plus en plus. Et vous avez votre part de responsabilité là-dedans. Une belle part, même. - Vous aussi ! cracha l’autre avec véhémence. Je ne sais pas à quoi vous jouez, Twilight, mais si vous ne me ramenez pas immédiatement... -... à la base, vous me ferez passer en cour martiale même si je ne suis pas militaire, on me mettra une balle dans la tête et on enverra mes restes dans le désert aux douze coups de minuit, compléta Ash avec bonhomie. Oui, oui, j’avais deviné. Je ne crois pas que vous trouverez beaucoup d’aide là-bas, général.” Ce dernier lui jeta un regard mauvais et interrogateur, tout en se remettant dans une po sition plus digne. “ Ai-je vraiment besoin de m’expliquer ? - Vous les avez tous tués ? - Oui, répondit Ash sans émotion. Ils étaient tous aussi pourris que vous. Désolé de vous avoir doublé sur ce coup-là. - Qu’est-ce que vous racontez, imbécile ? éructa le général en hoquetant presque. - Vous savez quel est mon métier. C’est dommage que je sois le seul à avoir compris ce que vous comptiez faire... Mais c’est comme ça. Vous pouvez rouler des yeux effarés. Vous voulez que je vous montre tous les documents... Compromettants que j’ai trouvé dans votre bureau, si habilement dissimulés ? Ou les enregistrements audio idoines ? Si je décidais de contacter nos supérieurs, ils se moqueraient de la perte d’un centre et me féliciteraient d’avoir débusqué une taupe. - Vous délirez complètement, mon pauvre vieux. », fit son interlocuteur en observant discrètement autour de lui. Rockwell avait du mal à pleinement intégrer la situation dans laquelle il se trouvait. Certes, il avait toujours senti que ce type était un beau timbré, mais de là à être capable de tuer tout le personnel sur la seule base de ses suppositions paranoïaques… Il devait bluffer. « Inutile de jouer les saints, Rockwell. Vous avez essayé d’avoir tout le monde dans le même mouvement. Vous avez été trop gourmand, et c’est vous le gros poisson dans le filet, maintenant. - Je vous donne une dernière chance de vous en tirer”, annonça froidement Théodore Rockwell. Les menaces. ‘Je vais vous dénoncer au général !’ Pas de bol, celui-là était déjà trop occupé pour se soucier de vous. Un gaz de combat vraiment répugnant. On aurait dit que les yeux allaient se liquéfier, tandis qu’ils crachaient du sang, tapissant les glaces de protection… Il en avait presque senti le tiramisu se retourner dans son estomac. Ash renifla dédaigneusement. « Il n’y a que vous, et moi, général. Seuls sur des kilomètres carrés. La base est déserte, et sera bientôt recouverte pas la tempête. Ne vous inquiétez pas, elle restera en parfait état. Je compte y revenir... Plus tard. Peut-être. On y viendra de toute manière, notre petite tragédie ne s’évanouira pas entre les dunes. 88    PixaRom magazine