PixaRom numéro 4 PixaRom numéro 4 Mars 2014 | Page 15

Aperçus Omerta B onjours, Lecteur. Asseyez-vous, je vous en prie, ne faites pas attention à Bobini, il est distrait en ce moment. Vous prendrez bien un café, oui ? Fredo, si tu veux bien servir notre invité. Comment tout a commencé ? Vous vous doutez bien que je ne suis pas devenu Don du jour au lendemain. Ma Sicile natale ne suffisait pas pour un homme avec de l’ambition, et l’Amérique, l’Amérique ! On y affluait depuis les quatre coins du globe, une terre de promesses... Et d’occasions à saisir. Et la Prohibition, ce fut un terreau pour de telles occasions. Vouloir resserrer les gorges ne faisait qu’assécher plus les gosiers, et l’alcool illégal coulait à flot. C’est avec des brasseries clandestines que nous avons commencé, moi, Squiggs, et Tony, qui me servait déjà de consigliori à l’époque. De l’argent facile à condition de savoir y faire, dans un petit quartier où ces messieurs de la police étaient quasiment absents. Nous avons rapidement migré vers un autre secteur, en commençant les activités plus sérieuses. D’une main nous donnions la soupe aux impécunieux, de l’autre nous gérions les trafics intéressants du secteur- armes et liqueurs. Si nous avions les coudées franches ? Nenni. Une bande a essayé de s’imposer par la force... Il a fallu faire parler la poudre, ce sont les affaires. Mais ils avaient une dette envers le boss local, Louie, et c’est devenu notre dette. Nous avons donc travaillé pour lui dans plusieurs quartiers de la ville. C’était normal, il avait l’expérience, il connaissait le terrain, il était là avant nous. Mais je ne voulais pas débarquer en Amérique, et encore moins y amener mon frère, pour vivre une autre forme de servitude. Qu’il suffise de dire que Louie a dû revoir sa conception de l’existence et laisser faire des personnes plus douées. Cela aussi, ce sont les affaires. Mais je ne voudrai pas vous gâcher la surprise en en révélant trop. Vous pouvez l’imaginer, nous qui sommes appelés des gangsters - un terme bien rude - avions une vie mouvementée. Toujours il fallait s’occuper de nouveaux commerces, s’assurer que ceux existant fonctionnent bien, gérer tout un réseau de contacts, essentiel pour qui veut réussir dans cette branche. Est-ce que cela vaut bien l’histoire de Don Corleone ? En toute humilité, je dois dire que non. Il y eut des évènements typiques dans le genre, des trahisons, des affaires désastreuses, des vendettas, mais le quotidien dominait d’une façon un peu trop routinière, les moments forts ne venaient que de loin en loin. Et encore, ces moments n’étaient pas toujours si forts... Ennuyant de devenir Don ? Non, je n’irais pas non plus jusque-là. C’était plus exaltant, mais moins drôle, qu’un de mes cousins s’étant rendu maître d’une île appelée Tropico. Si je devais conserver un seul adjectif pour décrire ces pérégrinations, ce serait honnête. Honnête mais sans faste. Mais je vois que vous êtes tout de même un peu curieux de savoir comment les affaires de la famiglia tournaient, ami Lecteur. Votre café est à votre convenance ? Oui ? Alors je vais vous raconter sans faux-semblants les dessous de nos affaires. Nous étions, voyez-vous, des gens organisés. Au cours de cette campagne pour établir la pérennité de notre famille, nous avons procédé quartier par quartier, chacun pouvant être considéré comme une grande mission pour soutenir nos intérêts. Et nous