PixaRom numéro 1 octobre 2013 | Page 40

« Oui ? - Bonjour monsieur, votre nom je vous prie ? - Jean Jacques. J’ai peu de temps, je dois aller incarner un personnage lambda chez l’Odieux Connard, faites vite. - Certes oui. Vous jouez à quoi ? - Et bien, Call Of Duty. Le reste du temps, je me fais du Fifa ou du PES. Un peu de Need For Speed quand je suis en bonne compagnie. - D’accord. Vous connaissez David Cage ? Suda ? - Euh… Je ne joue pas aux RPG, c’est trop long puis je ne comprends pas grand-chose. A part Final Fantasy 13. - Merci bien, vous pouvez partir. » Oui ça peut paraître terriblement limité, mais le joueur lambda ne s’intéresse pas au jeu vidéo en tant qu’art, mais en tant qu’objet de consommation pour plaisir immédiat. Un peu comme un blockbuster, il ne recherche rien d’intellectuel dans le produit, mais veut juste son quota de sensations déjà resservie l’année précédente afin de rester dans sa zone de confort. Parfois, un GTA ou tout autre jeu balancé dans les médias éveilleront son intérêt (Beyond Two Souls sera peut-être un gros succès malgré ses gros défauts) mais rien de bien dérangeant pour la zone de confort du consommateur. Car c’est bien ce qu’est devenu le jeu vidéo, un objet d’art que l’on a dérivé vers un objet de consommation de masse. C’est pour ça que des œuvres comme ceux de Suda passent formidablement inaperçus malgré leur côté bien foufou et que Capcom est surtout connu pour son Resident Evil mais pas pour son Viewtiful Joe. L’humour passe donc forcément à la trappe dans la plupart des jeux vidéo, et ceci pour plusieurs raisons en cascade : - Premièrement, comme c’est devenu un objet de consommation avec un très important public, le jeu vidéo est donc forcément devenu une industrie. -Deuxièmement, il faut tout de même rappeler que généralement, quand on a une industrie, le but n’est pas de faire plaisir à un marché de niche, mais de plaire au plus grand nombre (à moins que l’on soit un vrai artiste, comme le papa de Monkey Island qui nous a servi The Cave récemment) afin de ramasser un maximum de pognon. - La majorité des gens se foutent de l’humour dans leur jeu, ils veulent leur dose de guerre/foot/open world réaliste/pokémon. Ils ne veulent pas changer et si on leur propose un truc qui change comme par exemple Catherine, ils hausseront les épaules, diront que le jeu est nul sans y avoir trop joué. - En réaction, l’offre s’adapte et on aseptise les « créations » de tout ce que le public ne veut pas trop afin d’augmenter le rendement des produits. Les jeux indépendants sont une notable exception mais ne bénéficient évidemment pas des mêmes moyens de se faire connaître. 40