EXPÉRIENCE MARQUANTE
LA PHOTOGRAPHIE INTERFÉRENTIELLE DE GABRIEL LIPPMANN
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Marie-Angélique LANGUILLE * et Bertrand LAVEDRINE
Centre de Recherche sur la Conservation [ CNRS-MNHN-Ministère de la Culture ], Paris, France * marie-angelique. languille @ cnrs. fr
En 1891, Gabriel Lippmann publie un court article « La photographie des couleurs » dévoilant ce qui sera nommé par la suite le procédé de photographie interférentielle qui inspire aujourd’ hui encore les scientifiques. Il en propose rapidement une explication théorique. Nous décrivons ici l’ objet photographique et le contexte de sa production. https:// doi. org / 10.1051 / photon / 202513228
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La photographie interférentielle a marqué l’ histoire de la photographie couleur, non pas tant par l’ appropriation du procédé limité à quelques scientifiques, mais surtout parce qu’ elle constituait une réponse élégante et scientifiquement solide au grand souhait formulé dès 1839 par François Arago: celui d’ une photographie capable de restituer directement les couleurs naturelles. Aussi, Gabriel Lippmann( 1845-1921) est-il considéré comme l’ inventeur de ce procédé photographique d’ « enregistrement direct » des couleurs dont il fournit une explication théorique concomitante, fait rare dans l’ histoire des procédés photographiques mis au point de façon empirique, la compréhension des phénomènes chimiques et physiques intervenant bien plus tard. Nous décrivons ici l’ expérience de production de cette photographie interférentielle par G. Lippmann et l’ objet qui en résulte.
L’ invention de la photographie interférentielle dans son contexte historique
En 1891, G. Lippmann annonce dans les Comptes-rendus hebdomadaires de l’ Académie des Sciences qu’ il est parvenu à « résoudre le problème » pour « obtenir sur une plaque photographique l’ image d’ un spectre avec ses couleurs, de telle façon que cette image demeurât fixée et pût rester exposée indéfiniment au grand jour sans s’ altérer » [ 1 ]. Cent trente-trois ans plus tard, les quelques centaines de photographies interférentielles conservées témoignent encore de cet exploit [ 2 ]. La figure 1 en présente deux images tirées de la collection de Sorbonne Université, attribuées à G. Lippmann. Notons néanmoins que N. Boulouch a récemment rendu visible la place centrale de Laurence Cherbuliez, épouse de G. Lippmann, dans cette pratique partagée de la photographe interférentielle du couple. G. Lippmann est nommé professeur de physique générale puis directeur du laboratoire
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