Paris et les Zola en herbe | Page 10

  10   Hier, c’était vendredi 13. Comme la superstition le dit « ne croise pas de chat noir, ne passe pas sous une échelle et ne brise pas de miroir ce jour là, où le malheur s’abattra sur toi ». Puis Paris a croisé des terroristes vêtus de noir. Paris est passé sous l'échelle de la cruauté et de l’horreur. Paris a eu des miroirs et des cœurs brisés par les balles de ceux qui n'ont comme langage que la mort et la violence. Paris sombra cette nuit-là. Dans le noir profond de cette journée de novembre, on aperçoit un unique lampadaire, solitaire, essayant désespérément d’éclairer cette funèbre après-midi. Il gît la, immobile, scrutant l’horizon, regardant le temps qui passe et observant les rares passants. Sa flamme dorée laisse à ceux qui l’examinent une sensation d’impuissance, mais elle représente aussi, dans le cœur des témoins, l’humanité elle-même qui essaye d’illuminer notre monde face à la noirceur de la société. Devant ce boulevard sans vie, notre attention est portée vers l’unique café ouvert. Depuis la rue, seule la terrasse est visible et les quelques courageux attablés dehors. Le vide sinistre de ce grand boulevard laisse la possibilité à chacun de le fixer, le scruter, l’épier, à la recherche de réponses à des questions non formulées et à des interrogations indéfinies. Chacun cherche en tâtonnant les réponses à ses interpellations en dévisageant le néant. Cette investigation intérieure nous oblige à regarder au plus profond de nous-même et contempler nos craintes les plus féroces et les plus redoutables. Cet inquiétant travail sur sa personne nous impose de regarder la menace en face, droit dans les yeux. L’angoisse et le désarroi qui vous touchent, à l’instant même où vous entrez en vous, agitent et désordonnent votre pensée. Soudain, vous êtes immergés dans vos frayeurs les plus extrêmes et les plus abstraites. La terreur vous agrippe alors à la gorge.